Plongeon dans la folle conquête du pouvoir, au risque de sombrer dans l'enfermement arachnéen, c'est l'implacable loi de ce film de Kurosawa, qui s'inspire de la tragédie de Macbeth.
Qui d'autre que Shakespeare pour le foisonnement de la chair et du sang, pour l'enlisement paranoïaque et la démesure ? ce qui a fasciné nombre de cinéastes d'Hollywood, et fascine encore...
Kurosawa chausse avec une belle aisance cette démesure, avec cette oeuvre en noir et blanc (plus noir et gris que blanc), collant à la désolation fantomatique du château de l'araignée.
Reprends la narration légendaire du drame shakespearien prophétique et sanguinaire, mais selon une forme filmique originale, transposée au contexte japonais, nourrie de certaines influences du théâtre Nô.
L'ambiance oppressive est liée à une mise en scène extrêmement précise, découpée au cordeau, et par ailleurs très mobile, où alternent des plans d'intérieur dilatés, là où se déchaine le complot entre le seigneur Washizu et son épouse Lady Asaji, aussi spectrale et impassible dans son kimono que machiavélique. Il n'y a qu'elle qui porte le masque, 'la persona' ; à la toute fin, le masque de la démence se confronte au sang indélébile sur ses mains.
Lorsqu'elle se déplace, c'est un ballet furtif et ouaté.
Les passages à l'extérieur subliment la sombre forêt jusqu'à la citadelles embrumée, comme seule issue. Selon les ramifications labyrinthiques de ce délire de puissance, scandé par les annonces des messagers, la majesté des costumes, la fougue des chevaux.
Les mouvements de troupes sous leurs bannières bruissantes, s'achèvent dans la déflagration des flèches, striant cette brume surnaturelle.
On est entre le rêve halluciné et une réalité hors temps, qui a sans doute à voir avec le cratère et les cendres du dernier conflit du XXe.