Ce film, qui dure 2h30, est en noir & blanc, les dialogues sont rarissimes et l'intrigue est extrêmement resserrée. On suit les journées d'un vieux paysan manchot, sa fille et leur cheval mourant dans une ferme perdue battue par les vents.

Rien de bien funky n'est-ce pas ? Et pourtant, la beauté inouïe de l'image et la majestuosité des plans-séquences (le film en comporte environ 30, de 5 minutes chacun) nous plongent dans une espèce de grâce envoûtante. Un peu comme pour 2001 de Kubrick, la composition de chaque plan est tellement proche de la perfection que chaque image du film pourrait être isolée, agrandie, encadrée et exposée. Et ensuite, par de subtiles ruptures dans le quotidien de ces paysans (le cheval ne mange plus, l'eau se tarit, des bohémiens annoncent des malheurs), l'intrigue finit par se doter d'une dose d'étrangeté et d'apocalypse qui maintient notre attention jusqu'à l'ultime minute.

La fin du monde vue du bout du monde, tel semble être l'angle de Bela Tarr dans ce film infiniment crépusculaire. Cette décrépitude lente et fascinante interroge notre condition humaine dans ce qu'elle a de plus élémentaire et nous invite à nous demander de quoi nous avons besoin pour vivre, spirituellement et matériellement (cf. la scène où ils doivent choisir les biens à emporter avant de partir).

Jubilatoire par sa beauté, fascinant par son propos, The Turin Horse est un film-expérience somptueux.
marivaudage
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Berlinale 2011

Créée

le 20 févr. 2011

Critique lue 3.1K fois

40 j'aime

4 commentaires

marivaudage

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

40
4

D'autres avis sur Le Cheval de Turin

Le Cheval de Turin
Chaiev
5

Sidérations tempestives

On devrait toujours proposer quelques coupes de champagnes au sortir des films assommants : pas seulement pour le plaisir de noyer son désespoir dans quelques bulles mordorées, mais surtout pour...

le 30 nov. 2011

54 j'aime

41

Le Cheval de Turin
Aurea
4

Au pays de la sinistrose

Béla Tarr, ce nom résonnait dans ma tête comme une formule magique qui m'évoquait Les Harmonies Werckmeister, L'homme de Londres ou autre Tango de Satan qui faisaient les beaux jours du Site. C'est...

le 8 févr. 2012

49 j'aime

69

Le Cheval de Turin
guyness
3

A cheval donné, on ne regarde pas les dents

... dit le vieil adage paysan. J'ai emprunté le film, et donc pas payé pour voir ce Tarr. Mais enfin. J'aurai la pudeur de ne pas revenir sur la composition des 2h30 du film (20 minutes de patates,...

le 26 juin 2012

48 j'aime

5

Du même critique

L'Éventail de Lady Windermere
marivaudage
10

Du génie brut

Il fallait tout le talent et la finesse de Lubitsch pour adapter cette pièce d'Oscar Wilde (dans laquelle les traits d'esprit et les bons mots sont rois) en un film muet dont l'économie d'intertitres...

le 3 févr. 2011

12 j'aime

1