Musique d'ouverture et de clôture du film.
Pour Ari Folman, Le Congrès est un projet de longue haleine, projet dual dans sa production puisqu'il se partage entre d'animation et scènes en temps réel, performance qui n'est pas sans rappeler l'excellent Qui veut la peau de Roger Rabbit. Dans les faits toutefois, nous en sommes loin.
Ouverture magistrale, empreinte de lenteur et de gravité tandis qu'on nous placarde, violemment, le visage sillonné de larmes d'une Robin Wright désemparée qui s'entend démonter pièce par pièce chaque parcelle de son existence par son agent, hors-cadre que le zoom arrière nous dévoile lentement.
Immodérément édifiant par moments, Le Congrès en devient ridiculement poseur. L'empathie forcée parfois, l'écrasement de l'acteur par la caméra, tout cela m'a arraché un soupir, las de tant d'effets et de manières, de tant de formules ampoulées qui alourdissent le propos lui prêtant un ton excessivement premier degré de mauvais goût, une espèce de pédantisme dans la forme qui dessert les propos et désamorce les émotions qu' Ari Folman tente de faire passer. Certaines scènes confinent ainsi au vain, écrasées par cette exubérance de mauvais goût.
Des bonnes idées s'en retrouvent altérées, à l'image de ce moment où Robin Wright se voit enfermée dans une boule de lumière, son image capturée pour être scannée virtuellement, vaine tentative de suggérer au spectateur une palette d'émotions large qui tombe à l'eau sous la surcharge de plan sur le visage de Wright. D'autant plus dommageable que le travail des acteurs est touchant, juste et particulièrement intéressant. Notons l'excellente performance d'un Harvey Keitel habité et qui transporte par les simples inflexions de sa voix.
Et cette vacuité de la forme se retrouve dans les propos qui ouvrent ce film au demeurant intelligent. Au premier degré, avec force discours pathétiques, on nous sensibilise ainsi à la condition des acteurs manipulés par les sociétés de production. Avec force discours pataud et lourdaud et un manichéisme malvenu nous est alors présenté la déchéance d'une actrice vieillissante à l'aube de sa gloire et qui se fait voler son image par le truchement de cette numérisation qui la prive de tout choix, interdite d'exercice au profit de son double virtuel.
Passé ces reproches qui ne m'ont fait sortir que de quelques scènes, il faut reconnaître qu' Ari Folman nous gratifie d'un visuel plaisant, entre la maison aérienne des premiers instants, les locaux modernistes de la Miramount ou bien ce monde animé complètement décalé, laissant place aux excès les plus jouissifs et aux dessins les plus loufoques jusqu'à ce Congrès futuriste aux allures de bacchanale, jonction entre folie et embrigadement sectaire mettant en scène un Reeves Bobs aux allures de gourou. Côté animation on mêle des influences en deux dimensions de l'animation américaine à une folie qui va crescendo
Comme si un dessinateur de génie avait fait un mauvais trip...
Dira elle-même Robin Wright. Que l'on adhère ou non, on applaudit des deux mains la performance qui va chercher avec bonheur de nouvelles façons d'expressions.
Les minutes s’égrenant, le propos s'affine et se fait plus pointu, plus intrigant. Le travail avait été amorcé dès l'introduction en nous présentant Robin Wright dans son propre rôle et brouille la frontière réel et imaginaire pour mieux servir son propos. Si l'on avait commencé par enfoncer des portes ouvertes, on ouvre délicatement une fenêtre de réflexion sur l'image, ce double fantasmé, cette personne qui n'est pas vraiment nous et qu'il convient pour l'acteur d'incarner à tout prix, luttant contre le temps dans de vains efforts, soubresaut d'un orgueil démesuré.
Le glissement se fait plus sensible dans la partie animée où tout bascule soudain dans un trip inquiétant et coloré, l'impérieux besoin du « penser pour soi, à soi » amenant l'humanité à se réfugier dans un monde de fantasme. Plus de guerre, de dictature, d'ego. L’œuvre devient une violente dystopie et interroge l'individualisme de nos société qui fait de l'être humain non plus être raisonnable et sociable comme le voudrait sa nature mais simple tributaire de ses fantasmes et passions.
La libération totale des consciences prônée par ce prophète aux airs de Steve Jobs version pharmaceutique prend des airs de régime totalitaire, diktat du désir égoïste.
Et l'on se plonge dans ce monde de chimère à corps perdu en reniant toute humanité, population qui sacrifie la réalité de la vie à l'assouvissement de ses passions et désirs. Le final se fait puissant tandis qu'éclate la vérité que l'on pressentait derrière ces actes insensés : le désir humain d'oublier sa condition mortelle.
Et au milieu marche Robin Wright, mère éplorée. Et c'est beau.