Le Conte de la princesse Kaguya
7.9
Le Conte de la princesse Kaguya

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (2013)

Si Takahata ne possède pas l'aura prestigieuse de son compère Miyazaki sous nos latitudes européennes, c'est avant tout pour sa filmographie plus réduite et surtout moins exportée. Il n'en demeure pas moins un grand cinéaste de l'animation nippone avec une œuvre plus hétérogène que celle de Miyazaki san.

L'histoire de Kaguya oscille entre le conte traditionnel et le drame de société. Les deux structures s'entremêlent subtilement et se renforcent l'une l'autre. En plus d'être un enchantement visuel de tous les instants, le choix graphique très épuré soutient la principal thématique du film : la vacuité de l'artificiel face à la nature et au naturel. Kaguya, incarnation de cette même nature (née d'une pousse de bambou), va affronter bien des épreuves pour s'élever et s'épanouir, gardant toujours à l'esprit le bonheur de ses parents et sa véritable nature. Elle si joyeuse, vivante, elle se voit confrontée à cette société engoncée dans ses rituels ridicules et ses sophistications superficielles. Kaguya, comme elle le dit si bien dans une scène d'une force incroyable, a été fabriquée. Maquillage d'albâtre, sourcils épilés pour cacher la transpiration, vêtements amples pour dissimuler le corps, économie de mouvements à l'extrême, tout est là pour anéantir le naturel et contraindre l'homme à l'artifice.

Kaguya se révolte contre cette "modernité", elle qui aime la simplicité. Elle se servira des propres méthodes de ses prétendants pour les éconduire. Si ce n'est elle, c'est la nature qui s'en chargera. Kaguya reste indomptée, insoumise, elle porte haut l'étendard de sa liberté, sans violence et sans haine. C'est un personnage lunaire, qui n'a qu'une face, honnête et entière.

Les qualités techniques et artistiques du film sont indéniables. Une fois encore, les artistes du studio à l'emblème Totoro se sont surpassés pour accoucher d'un monde aux couleurs pastelles enivrantes et aux mouvements d'une rare fluidité. Impossible de rester inerte face aux yeux de notre princesse d'une expressivité fascinante. Quelques traits de crayons enivrent plus qu'un troupeau d'ordinateurs et sa myriade de modèles 3d aux textures photoréalistes. Il y a là aussi un chant du cygne de la part de Takahata, un des derniers représentants de l'animation traditionnelle, engloutie par l'ogre numérique. Face aux débauches visuelles toujours plus spectaculaires de la concurrence animée au silicium, Isao san propose une œuvre désarmante de simplicité et d'une fragilité bouleversante. Je ne suis pas réfractaire à l'animation par ordinateur, bien au contraire, mais force est de constater que moins l'homme s'entoure d'artifices plus ses émotions affleurent pour nous envahir.


Le conte de la princesse Kaguya est une œuvre nécessaire et actuelle, qui prouve encore la puissance évocatrice et pénétrante de simples lignes tracées à la main. Merci monsieur Takahata.

Créée

le 22 janv. 2015

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Alyson Jensen

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