Il était une fois, en France occupée, un réalisateur qui eut le courage de forcer les Français à se regarder dans une glace et de dénoncer une pratique malheureusement courante à l'époque : la délation. Bien évidemment le film fit scandale à la Libération, d'autant plus qu'il a été financé par une société allemande. Henri-Georges Clouzot fut même interdit de tournage pendant deux ans. Mais que reste-t-il du Corbeau de nos jours ?


Le film n'accuse pas du tout le poids des années. Pour commencer tous les acteurs jouent incroyablement bien, selon le standard de jeu actuel. Les répliques fusent avec beaucoup de naturel, mais il faut bien dire que les acteurs sont aidés d'une écriture remarquable, qui sème suspens, ambiguïté et une touche d'humour dans les dialogues. L'intrigue extrêmement bien ficelée avance sans perte de rythme et distribue les indices au compte-gouttes jusqu'à la scène finale, où le Corbeau est démasqué. La révélation est d'autant plus agréable qu'elle tombe sous le sens, son identité ne sort pas de nulle-part.


Il est intéressant de voir que tous les habitants de ce petit village sont suspects puisque tout le monde connaît tout le monde. Un climat de paranoïa s'installe rapidement et quelques personnes sont victimes de règlements de compte hâtifs : la scène où la personne accusée est poursuivie dans les rues par une foule qu'on ne voit pas mais dont on entend les cris est un bon exemple. Les petites magouilles que chacun faisait dans son coin seront révélées, soit par le Corbeau soit par les enquêteurs. Cette obligation qu'ont les personnages à se dévoiler (un thème que j'affectionne particulièrement) amène au spectateur quelque chose de très fort.


L'ensemble profite d'une mise en scène très moderne. Clouzot joue avec énormément de techniques, les plus marquantes étant le hors champ, les jeux d'ombres et les magnifiques plans présentant un nouveau lieu du village. On retiendra également la scène de la lampe, qui possède un dialogue au timing parfait et une réalisation millimétrée, sans oublier tout le symbolisme qui tourne autour de l'objet.


Je m'attendais à un bon policier mais Le Corbeau est beaucoup plus que cela. C'est tout simplement royal.

MemoryCard64
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Movie Data 2017

Créée

le 13 sept. 2015

Critique lue 348 fois

1 j'aime

MemoryCard64

Écrit par

Critique lue 348 fois

1

D'autres avis sur Le Corbeau

Le Corbeau
Torpenn
9

Anonyme housse

C'est difficile de faire la critique d'un chef-d'oeuvre reconnu, d'ailleurs ça se voit, je prends mon temps, après Laura qui patientait depuis dix jours, voici la merveille de Clouzot que j'ai...

le 16 févr. 2012

110 j'aime

14

Le Corbeau
guyness
9

Le ramage et le plumage

Une nouvelle preuve éclatante que le talent et l'intelligence ne prennent pas de rides. Qu'un scénario bien écrit conserve toute sa puissance et sa modernité malgré le passage des décennies. La...

le 31 août 2011

82 j'aime

7

Le Corbeau
JasonMoraw
10

Un corbeau peut en cacher un autre

Le corbeau est un délateur mystérieux qui sème le doute et la méfiance dans un petit village au cœur de la France. Le docteur Rémy Germain, principale victime, est accusé d’adultère mais aussi de...

le 8 déc. 2020

68 j'aime

9

Du même critique

Les Malheurs de Sophie
MemoryCard64
5

Le plus grand damage control de 2016 ?

Les Malheurs de Sophie fait partie des quelques romans qui m'ont donné le goût de la lecture plus jeune. J'ai donc un attachement tout particulier pour cette histoire et l'attendais au tournant...

le 27 avr. 2016

13 j'aime

2

T'aime
MemoryCard64
1

T'aime T'aime et nanar

"Gontieeeeeeeer ! Hé ! GONTIEEEEEEEEEER ! Gontier c'est à toi qu'je parle ! Comme tes avocats ont décidé que j'pouvais voir ma fille que demain et qu'c'est ce soir... qu'j'ai envie lui dire que je...

le 26 oct. 2016

10 j'aime

4