Dans la langue française il y a toujours des expressions un peu inusitées pour tout et n'importe quoi, celle là sied particulièrement bien au film, au delà du jeu de mot fort rigolo. En effet, franc comme l'osier veut dire sans détour, sans dissimulation. Et c'est là le premier "objectif" du film, montrez une fausse réalité de la vie quotidienne de ces habitants de Summerisle au large de l'Ecosse. Un petit message en préambule du film remercie d'ailleurs chaleureusement les habitants d'avoir permis à l'équipe de tournage du film d'en apprendre un peu plus sur leurs : " pratiques religieuses" et leur aimable collaboration.

Ainsi on le sait dès le début le sujet du film sera spirituelle, apparemment d'une spiritualité qui diffère du commun étant donné qu'elle mérite un film. Et comme tout film traitant de Dieu, tout est écrit au préalable, dieu ne joue pas aux dés il parait !
Le premier signe annonciateur est l’œil peint sur le canot qui amène le policier sur l'île. Cela s'appelle l'ophthalmoi, généralement cela permet de s'attirer les faveurs de la mer et ses déités et de contre-carrer "le mauvais oeil". ( Pour la blague, il y en a encore sur certains bateau de pèche pas loin de chez mes parents.. )
Peu après, une fois arrivé au bureau de poste de Morrisson, la prétendu mère de l'enfant disparue indique au policier que ce ne sont pas des lapins en chocolat qui sont sur le présentoir de sa boutique mais bien des lièvres, mais pas n'importe qu'elle lièvres, des lièvres de mars ! Non ce n'est pas uniquement un clin d’œil à Alice au pays des Merveilles. Lorsque la chrétienté s'est établie comme unique religion, elle s'est réapproprié certains cultes et rites païens afin de ne pas désorienter le croyant moyen. Ne vous êtes vous jamais demandé quel rapport pouvait entretenir Pâques, des lapins et des œufs ? L’œuf est le symbole même de la naissance, du renouveau et donc du Printemps, de la nouvelle vie que les lièvres vont implanter dans les hases par exemple. SI on connait bien la capacité de reproduction des lapins, on en connait un peu moins sur les lièvres. En effet, l'expression dont est tiré le personnage d'Alice, fou comme le lièvre de Mars vient du fait que les lièvres sont pris d'une folie reproductrice au début de la période de reproduction ( au alentour de mars) et sont repoussés par les femelles à grand renforts de pattes arrières qu'ils aimeraient bien casser!
Dès lors que l'on parle de spiritualité, de déité, le récit prend souvent un aspect pathétique. Émaillé de signes annonciateurs, le spectateur sait à l'avance comme le film va se terminer.
Les avertissements pour le policier anglais guindé et ultracatholique, ayant même jusqu'à préserver sa virginité jusqu'à son mariage se multiplient, parfois très explicite. Quand il découvre le bureau inoccupé de Rowan Morrisson, sous son bureau un scarabée est attaché autour d'un clou autour duquel il tourne jusqu'à s'étrangler et mourir. Si le policier semble ne pas comprendre la menace, elle est dès lors évidente pour le spectateur et révélatrice de la fin qui attend le policier s'il continue à persévérer. Chaque pas de vis qui le rapproche de Rowan le rapproche également de sa mort.

En plus de ces signes annonciateurs,de nombreux symboles contribuent à nourrir l'ambiance du film, insistant lourdement sur la fascination que la reproduction, le sexe, la force créatrice de la nature produit sur ses villageois et sur la scission profonde avec l'église catholique, préférant la réincarnation à la résurrection.
Des couples forniquent au ralenti ( avant 300, c'est fou) dans les près en position de l'andromaque ( ce qui n'est pas anodin, elle est alors contraire au recommandation de l'église). Comme une sirène Willow tente de détourner le policier de sa prière, de Jésus, de sa religion finalement dans un chant langoureux, psalmodiant, ensorcelant littéralement. Elle se comparera d'ailleurs à un "soleil de midi à minuit". Ajoutant les gestes à la parole comme pour augmenter la force du maléfice elle force le policier à la prostration contre le mur auquel est accroché un tableau représentant le soleil. Pas de croix près des portes ou des fenêtres comme c'est pourtant l'usage dans les chambres mais des représentations du soleil ou des représentations phalliques comme la corde tressé qui est accroché dans la chambre de Willow et dans plusieurs endroits tout le long du film.
Dans le cimetière une mère allaite son bébé en tenant dans sa main un œuf, là encore le symbole de création est fort, étrangement incongru dans un cimetière mais pas si étonnant si on sait que les villageois plantent un arbre sur la tombe des morts sans oublier le fait que le cordon ombilical de la personne est attaché à l'arbre, reliant ainsi la naissance et la mort en un seul endroit.

J'aime bien les films qui s'amusent du surnaturel, qui parviennent à instiller une ambiance, à inverser les rôles. Les fous sont l'exemple même de la normalité sur l'île et le seul être qui semble normal est désigné comme fou, comme le Polichinelle de l'histoire, celui qui chante : " « Quand je marche, la terre tremble. C'est moi qui conduis le soleil ».


Je ne peux que trop vous conseiller de regarder ce film, pour sa musique, Christopher Lee, Britt Ekland nue ( http://notesofafilmfanatic.com/wp-content/uploads/2010/10/wickerbrittekland_51_66122a1.jpg grrr ) et sa fin grandiose révélant toute la monstruosité qui peut se cacher derrière une chanson enfantine fredonnée face à la mer sur le bord d'une falaise alors que brûle le Dieu d'Osier.
Johnutella
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le 29 janv. 2014

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le 29 janv. 2014

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Johnutella

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