Critique : Le Grand Soir (par Cineshow)

Difficile de passer à côté des frasques du binôme lors du dernier Festival de Cannes. Il faut dire que faire un joli doigt d'honneur à Brad Pitt en plein photocall était relativement culotté même pour le duo à qui l'ont doit Groland. Et pourtant, un petit geste qui de prime abord peut témoigner d'une absence de savoir-vivre mais qui demeure dans la pleine logique de leur cinéma et des valeurs qu'ils revendiquent, un gros what the fuck lancé à la société. Car depuis 2003 et leur premier long-métrage, Aaltra, Gustave Kervern et Benoit Délépine (l'un ne va pas sans l'autre) n'ont de cesse de mettre en images les mouvements à contre-courant, de valoriser l'espace d'un film les marginaux mais surtout, de s'affranchir de toute convention pour offrir des œuvres d'une liberté totale. Ça part dans tous les sens, ça ne cherche pas à plaire, c'est à prendre tel quel, autant de choses qui donnent toute la force à ces films et qui permettent de mettre en exergue une certaine beauté issue de situations bien souvent misérabilistes. Leur dernier film, Mammuth avait rencontré le succès critique et public aussi, c'est non sans un engouement certaine que nous attendions de découvrir ce fameux « grand soir » avec en tête d'affichage, Poelvoorde et Dupontel.

Cette fois-ci, le duo axe son propos sur le mouvement punk que « Not » (Poelvoorde) incarne. Pseudo tatoué sur le front, la crête et le chien en laisse, la panoplie est complète. Anarchiste, refusant toute aliénation par un système qu'il juge consumériste, il ère à pieds dans sa ville ne rendant visite à ses parents qu'à de rares occasion comme l'anniversaire de sa mère. L'occasion pour lui de croiser son frère (Dupontel), vendeur de literie dans un magasin de la zone commerciale du coin dont la réussite toute relative se décèle à travers son costume cravate qu'il arbore fièrement. Mais lorsque suite à un enchainement de malchance et de pétage de plombs il perd son emploi, celui qui faisant la promotion des mousses de matelas intelligentes va rejoindre son frère dans une révolution punk sous le pseudo de « Dead », une révolution plus familiale et identitaire que réussie sur le plan de l'impact sociétal.

Véritable western social s'ouvrant sur une scène montrant Poelvoorde longeant une route en direction d'un horizon en forme de zone commerciale, Le Grand Soir réunit les ingrédients chers aux deux auteurs à savoir une forte dose d'humour noir couplé à une critique acerbe de la société de consommation. Et si la peine est perdue d'avance, le système écrasant les tentatives d'oppositions de par son fonctionnement, le vrai intérêt du film réside dans la réunion de ces personnages à l'origine diamétralement opposés mais qui finiront par se trouver pour mener leur combat contre leur destinée, celle de reprendre la pataterie des parents mais surtout pour découvrir le vrai sens de la vie qui les rapproche indubitablement vers la folie douce de leur mère (Brigitte Fontaine).

Pourtant, si l'idée de fond est intéressante et surtout louable, le Grand Soir n'arrive pas à générer la même empathie qu'un Mammuth en raison d'un trop gros manque d'homogénéité dans la forme et surtout d'une dernière partie en deçà des attentes. Le fâcheux sentiment de voir un film un peu trop en bordel et surtout de devoir accepter un final ne sachant comment se terminer domine les esprits pour que cela ne reste qu'un détail. En bons électrons libres, Kervern et Deléphine inventent leur propre grammaire et style cinématographique mais n'innovent malheureusement que rarement. De fait, on se retrouve régulièrement devant un film poussif, certes ponctué de scènes géniales, (le premier repas où les deux frères parlent sans s'écouter étant incroyable) mais globalement peu surprenant. Malgré une construction davantage en mini-sketchs, Le Grand Soir tourne en rond assez vite et il faudra compter sur les prestations individuelles de Poelvoorde et Dupontel qui à elles seules justifient le coup d'œil pour arriver, presque péniblement, jusqu'au bout du voyage. Un résultat en demi-teinte qui ne rencontrera probablement pas le même engouement que la précédente collaboration du binôme Kervern / Delépine mais qui prouve que ce cinéma indépendant et totalement en marge du système continue d'exister. Et ça...c'est bien !
mcrucq
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le 4 juin 2012

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Mathieu  CRUCQ

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takeshi29
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Moi aussi je vais faire un don à la Fondation Phildar.

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