Un film gentiment anar et un bien barré mais souvent plus touchant que drôle
Poelvoorde / Dupontel. 2 monuments de l'humour noir et cynique (du moins à leur début). 2 cinglés. Les associer paraissait donc une évidence, on se demande même pourquoi personne n'avait tenté le coup avant. Et quand en plus c'est le duo Grolandais Delépine / Kervern qui est au commande, alors on ce dit que ce « Grand soir » risque d'être un grand moment de n'importe quoi en salle.
Pathé Boulogne, jeudi 15h20. Public ordinaire pour la salle ; sexagénaires bourgeois venus voir une énième pitrerie d'un Poelvoorde plus formaté (et moins inspiré) ces derniers temps (« Rien à déclarer », « Astérix »...). Sauf qu'ici c'est une comédie punk en gentiment anti-système qui est proposée. 30 minutes plus tard, les fuites vers la sortie se multiplient.
La base du film est pourtant assez commune ; deux frères que tout oppose vont se rapprocher. L'un est un inadapté social paumé à tendance alcoolique ; l'autre est « sur-adapté », petit commercial sans relief. Là où de nombreux films auraient trouvé une juste mesure pour ramener le frère marginal dans le droit chemin, ce « Grand soir » fait tout le contraire. Car finalement c'est Dupontel qui, étranglé par un système capitaliste devenu inhumain, va péter un plomb et plonger, comme son frère, dans une marginalité ubuesque et alcoolique. On suit alors les aventures de ce duo décalé qui erre dans une ZAC aseptisée du Nord de la France, et qui décide de tout faire changer. Ou pas.
C'est parfois drôle, souvent touchant, surtout connaissant les travers alcooliques qu'a traversé Poelvoorde ces dernières années. On retiendra le discours sociétal sous-jacent qui fait froid dans le dos ; finalement punk ou cadre sont tous deux les produits (ou la réaction) d'un même système capitaliste qui oublie de plus en plus l'humain et l'affect. Comme souvent chez Delépine et Kervern le film est en roue libre, et de fait inégal, mais on apprécie le courage et le côté à contre-courant de l'esprit global du film, qui aurait peut-être mérité d'aller encore plus loin dans le pétage de plomb.