J'adore ce film. Pour ses contrastes, les interprétations possibles, le jeux des acteurs, pour cette superbe touche de beauté dans la noirceur. Je l'adore pour tout ça.

Pour avoir commencé à fureter dans la filmographie de Guillermo Del Toro, ce qui saute immédiatement aux yeux, c'est qu'il aime les plaisirs simples, les films d'actions avec une petite touche de folie et un certain côté décalé. En ce qui me concerne, j'ai trouvé la plupart d'entre eux très moyens, à l'extrême limite du kitsch et de la niaisitude avancée. Mais il y a dans son oeuvre deux purs chefs d'oeuvre d'ambiance et de scénario. L'échine du Diable, et Le Labyrinthe de Pan.

Ce dernier pose dès le départ un background difficile, avec la fin de la Guerre Civile Espagnole et la douloureuse période Franquiste. Mais on découvre bien vite une seconde histoire, parallèle et très contrastée. On surfe sur la trame d'un conte noir, inattendu et assez triste. On espère jusqu'à la fin un heureux dénouement, mais il faut le mériter.
Car si la jeune héroïne, posée dans ces deux mondes comme frappée d'une double sentence dès le départ, apporte une lueur de beauté et de candeur, mais également le liant de nombreux contrastes sidérants de justesse et d'ingéniosité. Et seule une brillante interprétation et une direction artistique phénoménale pouvait la rendre crédible.

C'est ce qui m'a immédiatement plu. Les choix de palettes de couleurs, les effets numériques, les cadrages et la photographie en général sont exceptionnels.
Tout s'enchaîne avec brio autour d'une histoire sombre et trop immersive, où plane toujours le doute d'une part d'onirisme et de réalité sordide, de méchanceté latente.
Chaque retour à la réalité se traduit par une cruauté sans borne, filmée avec froideur et réalisme. Le sublime et dérangeant personnage du capitaine incarne cette part de cruauté et de brutalité universelle, qu'on pourrait croiser aussi bien dans l'actualité que dans une sordide dépêche AFP. Relatant l'exécution sommaire de quelques otages, à l'autre bout du monde ou d'un attentant sanglant dans le RER, au choix. A chaque fois, c'est la douche froide. Et à chaque fois la petite Ofelia, poussée par la promesse d'un monde meilleur, va poser elle même les indices qui la mèneront vers son malheur.

C'est cette mécanique à la fois si ingénieuse et si cruelle qui m'ont ensuite interpellé. Car bien sur au travers de ce constat, Guillermo Del Toro va transcender le personnage, lui donner une touche de grandeur et de beauté qui vont la hisser ni plus ni moins que vers un idéal, une héroïne pure et à jamais magnifique.
Malgré un monde qui s'écroule autour d'elle et qu'elle ne comprend pas, elle choisira toujours la bonté et la vie. Comme dans le passage du banquet, où privée de dîner, elle va choisir de manger deux grains de raisin. Deux grains. Ce sont ces petits riens qui la rendent si belle. Elle n'est pas un héros sur-protéïné, ni une muse scandinave svelte et bien roulée. Non. Elle est la part d'enfant qui reste cachée en chacun de nous, quelque part, pas très loin. Celle qui ne demande qu'à resurgir devant cette superbe interprétation.

Et puis il y a le reste. Ces autres acteurs indispensables et excellents dans chaque rôle, même le plus insignifiant, donnant un corps, une constance, un fond terriblement sordide et poignant. Mais qui permet aussi de dégager cette beauté éthérée. Car bien sur le doute subsiste. Et seule votre part d'enfant vous permettra de voir une fin heureuse, magnifique choix laissé au spectateur. Crois-tu aux contes de Fées ? Ferme les yeux. Fait ton choix. Ouvre les yeux. Que vois tu ?

Bref, l'avoir revu, même pour la énième fois, me secoue toujours autant. J'adore ce film. Pour ses contrastes, les interprétations possibles, le jeux des acteurs, pour cette superbe touche de beauté dans la noirceur. Je l'adore pour tout ça.
amjj88
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le 22 oct. 2013

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amjj88

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