God's Little Acre se présente telle une comédie sympathique légèrement teintée de burlesque, le tout moucheté par une ombre dramatique qui, discrète, nous accompagne durant ces 1h58 aux côtés de la bonne humeur ambiante. Oui, car bonne humeur il y a, mais pour ma part, le ridicule ou la niaiserie parfois commune à ce genre de films ne nous atteint pas. Anthony Mann signe un long métrage honnête qui semble rappeler par certains de ses acpects les Capra de la belle époque. En effet, peut se discerner une certaine légèreté scripturale sur des sujets on ne peut plus sérieux, tels le chomage forcé, les liens familiaux, l'avidité, l'amour, le "self interest", la dépression et ses conséquences, mais également les déviances du mariage. Car ne vous y trompez pas : le titre parait certes théologique et bienséant, mais ses "théories" sur l'amour et les déviances inhérentes au mariage transpirent la véracité. Il en ressort alors une réalité intemporellle sur ce sujet par trop victime d'hypocrisie, laquelle n'étant finalement que le fruit d'un formatage intergénérationnel et multiséculaire.

Ty Ty Walden (Robert Ryan) est le chef de famille et personnage central autour duquel gravitent tous les autres. Bien que l'on ne comprenne pas vraiment, au cours des premières minutes, ce que toute la famille peut bien lui trouver pour se plier ainsi à la moindre de ses décisions, l'on finit assez vite par s'attacher à cette grande gueule bien agréable, emplie de bonne humeur tout en étant caractériel. Il tient de ses ascendants sa "ferme" et ses terres dans laquelle il accueille une bonne partie de sa famille. Vivent ainsi avec lui ses deux fils Shaw et Buck, sa fille Darlin' Jill et sa bru Griselda, femme de Buck. Sa deuxième fille, Rosamund, est elle mariée à Will Thompson, ex-compagnon de Griselda, mais vit en ville, tout comme le troisième fils de Ty Ty, Jim Leslie. En plus des "employés de ferme" et des visiteurs bienvenus, comme le futur shériff, Pluto, petit homme timide et bien-portant en quête de votes pour l'élection du poste et épris de Darlin' Jill qu'il souhaite à tout prix épouser, la maison Walden est tout sauf inerte.

Voilà maintenant des années que Ty Ty creuse, aidé de Buck et Shaw, d'énormes trous dans ses terres afin de dénicher de l'or que son grand-père aurait caché quelque part, tout en se démenant pour maintenir sa famille unie au gré des marées heureuses ou ardues de la vie. Bien que semblant personnage burlesque au début, l'on finit par s'attacher à lui, et il nous fera ponctuellement rire ou sourire. A priori sans envergure intellectuelle (pour lui, trouver de l'or avec un albinos qui tient une branche de coudrier est "scientifique"), il ne s'en démarque pas moins par sa sagesse mue d'une volonté intarissable, un coeur énorme et un amour de la vie épidémique. En découlent ainsi un respect sans faille envers lui de chaque membre de sa famille (et le futur shériff), beux-enfants ou non. La manière dont il répond aux allégations de fille facile aimant essayer différents hommes que lui soumet Pluto, sa réaction me fit éclater de rire.

Fort intéressante fut pour moi la relation conflictuelle du trio Buck-Griselda-Will. Bien que mariés, Buck et Griselda ne parviennent pas à s'entendre, la faute à une jalousie exacerbée de Buck en rapport à ce qu'il estime être une forte attirance de sa femme envers Will Thompson. Paranoïaque ? Pas forcément, tant le feu commun dont brûlent Griselda et Will menace de se transformer en brasier dévastateur. Mais c'est justement ce qui est important ici. En mariage, ou en couple sérieux en règle générale, il existe au moins deux choses : l'amour et la passion. Du premier ne découle pas forcément le second, mais de la passion peut découler l'amour, car l'intensité émotionnelle qu'elle procure chez le passionné est telle que la raison peut ne plus y avoir sa place. Ainsi, la passion éprouvée pour une personne distincte de celle qui incarne l'amour saurait-elle être reprochée, considérant que certaines émotions ne se contrôlent pas ? Le sujet est bien trop vaste pour que je vous ennuie avec ici, mais je résumerais ceci par cela :
"Un homme, un vrai, doit savoir pardonner à une femme ses petits mensonges."
Eichiro Oda.

Quant aux femmes justement, il s'avère que Mann a su parfaitement mettre en avant ses deux actrices phares, dont la beauté n'en demandait pas tant. Diantre, que je suis faux-jeton ! Bien sûr que j'en demandais autant ! La scène de la baignoire avec la jeune Jill (Fay Spain), celle du puit et du rendez-vous nocturne fortuit avec Griselda (Tina Louise), les robes échancrées suggérant sans mal les fort(es) (et) belles poitrines des deux interprètes...
Griselda, LA femme sortie tout droit d'un rêve, gracieuse et usant de ses charmes infinis sans même le vouloir. Formes divines, traits séduisants, yeux sages et pourtant rieurs, belle chevelure brunâtre, sa silhouette frisant la perfection féminine n'a cessé de me conquérir. Darlin' Jill, jeune femme pleine de vie avenante aux formes voluptueuses, n'en délaisse la grâce -mais pas la beauté- de Griselda que pour plus s'éclater de son ingénuité compulsive et contagieuse.

Concernant l'épigraphe God's Little Acre, qui a eu sa propre chanson de générique, il s'agit en fait d'un petit lopin de terre qui offre à Dieu ses fruits, concédé à Lui par Ty Ty et dont le lieu est désigné par une grande croix de fer. Lorsque l'appel de l'or retentit, il se décida à le déplacer tout en se justifiant auprès de Lui d'une manière délectable. Bref, il en ressort de God's Little Acre une comédie sans grande prétention, mais qu'il ne serait pas inutile de voir, fût-ce seulement pour se détendre un peu et admirer les charmes de Tina Louise et Fay Spain.
Taurusel
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Anthony Mann the WesternMann (non, je ne fais pas de la pub pour les stylos) et Entrepôt Cinématographique Personnel, Volume 2

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le 3 oct. 2012

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le 3 oct. 2012

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Taurusel

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