(c'est pas une vraie critique, c'est l'épilogue d'un texte à moi)

Revenons sur mon enfance. Elle n'a pas été si malheureuse que je cherche à le faire croire parfois. Oui, mon père s'est barré et ma mère était dépressive et instable. Mais jugeons, au souvenir de ce film dont je connais les répliques par cœur, que nous citons entre nous avec Aurore et Geoffrey, Génial mes parents divorcent, que dire « mon père est parti » est d'une banalité affligeante. Et, malgré notre pauvreté, celle qui fait finir la plupart des familles d'ici dans des HLM, nous avons toujours vécu dans des maisons. Celle dont je parle dans le premier chapitre de ces mémoires tronquées était déjà pas si mal, et ensuite nous avons connu mieux. J'ai toujours réussi à entasser pas mal de livres, ce qui pour un presque pauvre est une gageure et un petit luxe.
Quels qu'ils soient, j'aime ces souvenirs. Sûr qu'ils sembleraient idiots à quiconque ne les a pas vécu avec nous ; mais vu de chez nous, et quand nous nous les remémorons, nous sourions gentiment. Maintenant, une chose à noter est que la grande masse de souvenirs communs, que nous partageons avec mon frère et ma sœur, est faite de nombreux films que nous avons vus et revus, dont nous citons à tout va les dialogues. Je me revois, sortant du cinéma avec Geoffrey et mon père, qui nous gâtait le week-end, nous avions vu Les Tortues Ninja, je sautais dans tous les sens, annulaire et auriculaire repliés, de façon à n'avoir plus que trois doigts comme les tortues ninja. Je cite facilement, encore aujourd'hui, Michelangelo, au livreur de pizza : « Le sage a dit, le pardon est divin, mais ne paye jamais plein tarif pour une pizza en retard. » Dans ma chambre, je m'imagine ninja, les pieds dans l'eau poisseuse des égouts ; je m'y ferais. Savoir à quel point ces films sont maintenant en nous, inextricables. Quand je vois les amis que je me suis choisis, belle bande de bras cassés éclectiques, savoir à quel point Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles, de Don Bluth a pu conditionner mon mode de pensée, voire plus, et résonner avec mes peurs de gamin largué ?
Dans Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles, la « grande trembloterie » secoue soudain la terre, d'immenses crevasses déchirent la terre, des troupeaux et des familles de braves dinosaures herbivores sont séparés. Petit-pied, jeune long cou (« diplodocus » est une appellation fausse imposée par des scientifiques malfaisants) se retrouve séparé de sa mère et ses grands parents (notez : il n'a pas de papa). Tous les dinosaures du monde, aujourd'hui dévasté, émigrent vers la « grande vallée » (dire avec une intonation présageant le merveilleux). Petit-pied, grâce à son cœur pur, plein d'amour, son altruisme et sa volonté, réussit à réunir une petite troupe de gamins dinosaures disparates qui normalement n'avaient rien à faire ensemble. Son entêtement héroïque viendra même à bout de Séra, la trois cornes (on vous a menti : « tricératops » est aussi un terme fallacieux) têtue et individualiste qui suit l'enseignement bougon de son père : « une trois cornes n'a rien à faire avec un long cou ». Ensemble, les cinq dinosaures trouvent la grande vallée où leurs familles les attendent. Génération après génération, leurs descendants, faisant perdurer les liens melting-pot, se racontent l'histoire de leurs ancêtres.
Tous encore aujourd'hui, nous cherchons quelque chose, une vallée des merveilles, une grande maison ; nous affrontons chaque jour avec flegme, désinvolture, fracas, voulant tout détruire, faire savoir les remous et les espoirs déçus qui nous habitent encore. Qui a fait de nous ces êtres passifs plutôt que réellement pacifistes ? Nous aussi, une fois grand, idiots comme nos parents, tous rongés de rêves échoués, d'espoirs trop haut placés, encore le regard rêveur, nous montrerons à nos enfants ces mêmes films pour les émerveiller ; nous leur apprendrons que pour réussir, il faut les oublier, ne pas commettre les erreurs prétentieuses et aveugles qui ont été les nôtres.
colville
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le 30 oct. 2010

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colville

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