Le Sacre d'Edouard VII
5.5
Le Sacre d'Edouard VII

Court-métrage de Georges Méliès (1902)

Ce film marque une des rares occasions pour Méliès de ranger au placard les trucages et fantaisies qui font la richesse de son œuvre. Il s'agit d'une simulation et non d'une prise de vue en direct, comme l'était le premier long-métrage (cas isolé) The Corbett-Fitzsimmons Fight (1897), match de boxe retransmis passivement. Le film a été conçu juste avant le couronnement, pour être diffusé le jour de son exécution, le 9 août 1902 (et projeté deux semaines plus tard aux USA). Il condense les plusieurs heures de cérémonie en cinq minutes, montrant les étapes essentielles inscrites dans le protocole.


Dans la réalité, certaines parties ont été coupées ou abrégées à cause du mauvais état de santé du nouveau roi (fils et successeur de Victoria), sortant d'une opération de l’appendicite qui a décalé de deux semaines le couronnement (et la sortie de ce film). Soutenu par le producteur Charles Urbain, Méliès a tourné en extérieur à côté de son atelier à Montreuil, en organisant une reconstitution partielle de la cathédrale de Westminster. Une quarantaine de figurants ont été recrutés et les décors passés à la trappe ont été exploités sur des films ultérieurs. Comme dans Le diable au couvent (1899) le film comporte un décors unique et le tableau qui fait face jouit d'une pseudo-profondeur de champ crédibilisant l'opération, la présence de témoins sur des balcons renforçant l'illusion.


Cependant le langage théâtral de Méliès (un seul plan d'ensemble fixe, avec toute la pauvreté émotionnelle et esthétique possible d'une prise 'moyenne' sur le côté) sert peu sa cause dans le cas présent (même si les efforts visuels et l'accompagnement musical compensent). L'absence de 'trucs' expose doublement ce film à la déception, ennuyant facilement les amateurs du Voyage dans la Lune ou de l'Homme de têtes, frustrant ceux qui s'attendaient à un semi-reportage éloquent ou à vivre une expérience solennelle. Malgré les critiques et le dédain de certains gardiens, le film connu un grand succès à l'international, facilitant celui du Voyage dans la Lune, sorti le 1er septembre en France avant de se répandre et fournir une image séminale du cinéma mondial.


Ce film est une anecdote forte, mais n'est pas le premier cas dans son genre. Il y a déjà eu des films où paraissaient des hommes d’État et même déjà des sacres. En septembre 1896, McKinley at Home est le premier film où apparaît un Président – William McKinley quelques semaines après son accession au poste suprême. Quatre ans et demi plus tard Edison encadrera le film documentaire en deux parties President McKinley Inauguration, retraçant sa seconde investiture, avec passage au Capitole puis prestation sous serment. En 1896 encore, Charles Moisson (collaborateur des frères Lumière) réalise Le couronnement du tsar Nicolas II.


https://zogarok.wordpress.com

Zogarok

Écrit par

Critique lue 686 fois

1

D'autres avis sur Le Sacre d'Edouard VII

Le Sacre d'Edouard VII
Zogarok
6

Critique de Le Sacre d'Edouard VII par Zogarok

Ce film marque une des rares occasions pour Méliès de ranger au placard les trucages et fantaisies qui font la richesse de son œuvre. Il s'agit d'une simulation et non d'une prise de vue en direct,...

le 28 sept. 2016

1 j'aime

Le Sacre d'Edouard VII
mavhoc
4

That's not Méliès

Le Sacre d'Edouard VII est une preuve de la célébrité de Méliès en ce début de XXème siècle. Certes, il n'a pas l'autorisation de filmer le véritable sacre (pour des raisons logistiques et morales...

le 1 nov. 2014

1 j'aime

Le Sacre d'Edouard VII
Torrebenn
6

Critique de Le Sacre d'Edouard VII par Torrebenn

Pas tout à fait un reportage, ni une fiction. Méliès préfigure ce que sera l'actualité cinématographique jusqu'à 14-18 : la reconstitution.

le 21 janv. 2017

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2