Après une petite baignade revigorante, comprenant que son heure est venue, un jeune chevalier téméraire profite du profil joueur de la mort pour parier un surplus d’oxygène aux échecs avec cette dernière. La règle est simple mais toute à son avantage, tant que la partie dure, il continue d’expirer.
L’occasion pour Bergman de placer l’être humain face à sa crainte la plus profonde, pour en dessiner un portrait plein de paradoxes. Agnosticisme, athéisme, hédonisme, pragmatisme, alarmisme, il passe en revue la plupart des positions qu’adoptent tour à tour les hommes pour accepter le mystère qu’est leur existence et à fortiori, celui qui concerne notamment leur dernier souffle.
Faut-il tout faire pour anticiper la fin du tunnel en espérant un retour à la lumière ? Ou au contraire tirer profit de son temps de présence pour vivre de manière plus légère. A bien considérer les destins en présence, du chevalier pragmatique qui cherche à se confronter à Dieu par exemple, ou de son alter ego maléfique pour mourir l’esprit serein ou bien encore de celui des seuls rescapés de ce conte funeste, une famille dont la mère croque la vie avec sourire et insouciance, profitant de l’excentrique manie qu’à son mari à enrober leur quotidien de visions salvatrices, on serait tenté de penser que Bergman à un avis plutôt clair sur la question.
De même qu’il savate sévèrement les hommes d’église en les dépeignant comme d’inquiétants rabat-joie qui surfent sur une hausse soudaine de la mortalité, satanée peste, pour augmenter le taux d’adhésion de leurs fidèles. Pareils à des oiseaux de mauvais augures qui crament des sorcières dans leur temps libre, leur rôle se limite à interrompre des moments de fête pour rappeler à ceux qui l’auraient oublié que le trépas, c’est pour bientôt. Ah, les saligauds.
Cette approche frontale que propose Bergman d’une thématique vieille comme le monde est certainement ce qui désarçonne alors qu’on appréhende son film. Pour rendre limpide son propos, il s’applique à faire des moments clés qui jalonnent son discours, des séquences visuellement très fortes. Outre le fameux duel aux échecs qui sert de fil rouge à sa réflexion, plusieurs font leur effet : l’homme qui meurt perché sur son arbre après avoir feint sa propre exécution, la dégustation de lait fraise au soleil rappelant l’insouciance d’une innocente jeunesse, l’irruption en pleine représentation de théâtre des vigies inquiétantes ou encore la réunion solennelle finale avec la mort, sont autant de scènes marquantes qui font du septième sceau un film à part. D’autant plus qu’elles sont extrêmement bien mises en scène car très fortes formellement parlant : les images sont très puissantes et leur composition intelligente.
Il est néanmoins dommage qu’entre ces scènes clés, la tension retombe un peu et surtout le liant peine à se faire. Comme si l’ensemble du film n‘était qu’une juxtaposition de justifications qui conduisent au dénouement sans faire réellement corps. Malgré une durée relativement courte, le rythme est parfois un peu laborieux, la faute à certaines rencontres qui s’éternisent (le rustraud et sa femme volage notamment). Mais qu’importe, pour la puissance de l’ensemble et ce qui se dégage du film lorsqu’il se complète enfin, le voyage vaut amplement les quelques efforts qu’il requiert. Le septième sceau ne vole pas sa réputation et vaut assurément la découverte.
Quelques images ici >>.