Insolite. C'est pour le moins ce qu'on pourrait se dire lorsque l'on découvre pour la première fois le pitch de Legend. Le réalisateur d'Alien, qui prévoit donc de faire un film féerique ? ça laisse rêveur, mais encore faut-il voir de quoi ça cause : Tom Cruise vient d'atteindre la vingtaine d'années et, alors qu'il se promène, hardi, dans une forêt où la lumière est abondante, on découvre qu'il a oublié son pantalon. Problème : sans pantalon, il perd rapidement sa "corne", à cause d'une princesse un peu trop nubile et c'est l'hiver qui rapplique. Dit comme ça, avouons tous ensemble que ça vend du rêve. D'autant que c'est tourné dans les années 80, où l'on affectionne encore les créatures en latex, les situations cocasses et les costumes très laids (David Bowie en a fait les frais dans "Labyrinthe"). En matière de "fantasy", rien n'arrête les années 80 - et certainement pas le bon goût, le bon sens voire le ridicule. Pourtant, vous qui venez ici, vous avez sans doute vu la bonne note que j'y associais, alors que diable, il doit bien y avoir un petit truc à sauver !

Bon, déjà, mon résumé était - juste un peu - tendancieux : en vérité, il s'agit de l'histoire de la jolie Princesse Lili qui se promène dans une forêt plutôt magique. En outre, elle est habitée par plusieurs gobelins pas très sympas et surtout par Tom Cruise, totalement sous amphète et sans pantalon (mesdames, je ne mentais pas). Prénommé Jack, le bonhomme est plus ou moins un elfe (on ne saura jamais trop) et est très amoureux de la belle princesse, au point qu'il se décide à lui montrer le couple de licornes, créatures sacrées qui régentent un peu tout ce bordel. Seulement voilà, la Princesse veut en caresser une qui, fascinée, se laisse approcher, ce qui laisse le temps aux forces du mal de l'empoisonner et de lui piquer sa corne, provoquant un hiver soudain dans la forêt. Il faudra donc pour Jack récupéré sa dulcinée qui s'est faite capturer et la corne volée, afin de ramener un peu de couleur à ce petit coin d'paradis.
Première chose : la mise en place dure des plombes. Et c'est cool. On comprend assez vite que le récit va être resserré sur les quelques personnages qui le peuplent, ni plus ni moins, que l'on pourrait compter sur les doigts d'une main. Pas de pays nommé, de roi, de château : tout se passe dans la forêt, ce lieu assez désincarné. Pour le coup, l'ambiance féerique est bien là, débarrassée de tout ce qui saborde d'ordinaire les films de fantasy (les contrées aux noms en "Zorg", les tyrans aux noms en "Zorg", les soldats aux noms en "Zorg"). En plus, ça laisse quand même la part belle aux elfes, lutins et ce genre de chose : les personnages sont assez décalés mais pas énervant et réagissent tel qu'on se les imagine dans un conte. L'ambiance est vraiment cool. C'est assez difficile de dire ce qui fait que ça marche si bien ici là où ça connait des revers ennuyeux dans Labyrinthe, par exemple, mais je pense que c'est essentiellement un souci de cohérence. A nouveau, on a pas 25 décors différents, plein de lieux qui n'ont rien à voir dans une forêt : l'action ne quitte pas l'endroit. En plus, le tout est merveilleusement enténébrée par une nuit qui étouffe encore davantage les lieux. Et les décors, oui, ils respirent l'argent, mais sont suffisamment bien utilisés pour donner l'impression d'exister.
En plus, les personnages sont cool. Tim Curry, évidemment, en Darkness, défonce tout, à la fois séducteur et démoniaque, parfois vulnérable et parfois cruel. Il occupe si bien le récit qu'on en viendrait presque à ce qu'il soit l'ennemi de Cruise : on sait que cette position sociale le voue à une fin peu glorieuse et c'est bien dommage ! Cruise est pas trop mal, un brin impressionné par tout ce qu'il se passe mais suffisamment distant pour se garder une petite aura de mystère. A ce titre, le personnage de la princesse est assez amusant, savant mélange entre innocence patentée et véritable brin d'emmerdeuse, jouant sur les deux tableaux comme le ferait - j'imagine - n'importe quelle adolescente amoureuse d'un être magique - Tom Cruise-sans-pantalon quand même. Elle a, en prime, l'avantage de se faire gué-dra sec par Tim Curry et de jouer plutôt bien, au point qu'on ne soit plus sûr qu'elle soit tant kidnappée que ça. Enfin, il ne serait pas très cool d'oublier Gump, sans doute mon personnage préféré du film, un lutin aux allures de gamin, mais avec une voix hyper rauque et des attitudes ultra-concernées. Je sais pas où ils ont trouvé le môme qui tient le rôle, mais il est juste parfait. Pas un moment, je me suis dit que c'était un enfant et je l'ai même plutôt trouvé inquiétant quand il menace de buter Tom Cruise (ouais, carrément !).

Il y a des scènes que j'ai vraiment VRAIMENT kiffé, du genre l'étrange créature qui se met à danser, dans la salle à manger de Darkness et devant une Lili horrifiée. Ou les déambulations de Tom et sa compagnie dans le repaire de Darkness. Ou Tom qui se retrouve coincé dans un marais par une vilaine fée. Ou même la scène d'intro avec Blix qui vient prendre ses ordres auprès d'un Tim Curry dont le maquillage est dantesque. Au final, je suis super dég' de ne pas avoir découvert ce film plus tôt, mais même là, vue dans la nuit, en pyjama, avec un chocolat chaud, ça valait largement le coup. Perso, j'ai été hypnotisé.

PS : à noter que j'ai vu une version qui durait 2h, donc a priori la Director's Cut si j'ai bien suivi et que du coup, la musique ne m'a pas choqué !
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le 14 nov. 2014

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