Ad Hoc 3D

Je ne suis pas Tintinophile partouzeur de droite, je ne peux pas citer en détail le décor de la quatrième case de la page 21 de L'Affaire Tournesol ni réciter les lignes de dialogue de On a marché sur la lune. Je ne peux donc pas me poser en défenseur de l'œuvre de Hergé, ni revendiquer une quelconque légitimité dans mes propos concernant Le secret de la Licorne, et seulement me contenter de juger le film pour ce qu'il est, tel que je l'ai vu, avec le minimum de bagage concernant la BD d'origine.

Étrangement, j'ai plutôt aimé. Mais ça a été difficile. Mettons ça sur le compte d'une (peu crédible) bonne humeur passagère, ou sur le fait que de tout façon je n'avais que ça à regarder. J'avais du temps de cerveau disponible.
Le problème c'est que l'appréciation qu'on peut se faire du Tintin sauce Spielberg est indubitablement biaisée par l'apparat technologique du film.

Poudre aux yeux.

La caméra est émétique, les plans séquences bien qu'efficaces sont complètement WTFesque et usés jusqu'à la moëlle ; tout particulièrement celui de la fameuse poursuite en side-car, jouissif certes ,mais ce n'est ni du Tintin, ni du Spielberg.
DJ Cornish, DJ Wright (encore lui), et DJ Moffat nous pondent donc un megamix de trois albums de la BD en forme de Best of for Dummies pour lequel Indiana Jones aurait servi d'influence pour le clip . Comme je l'ai dit plus haut je ne suis pas un expert de Tintin, mais apparemment je ne suis pas le seul ; pour autant que je sache Tintin c'est pas Indiana Jones.
Je n'ai pas aimé le clin d'œil grossier à Hergé du début, je n'ai pas reconnu le ton des dialogues, je n'ai vu que de très timides clins d'œil au support d'origine (les oiseaux qui virevoltent après la chute d'un des personnages, les dessins de la brocante), je n'ai pas aimé cette foutue fin ouverte de mes deux genre « on t'a servi du bruit et du mouvement pendant deux heures mais si tu veux une histoire faudra payer ton ticket pour Tintin 2 » ; et en fait, je n'ai pas aimé que l'univers de Tintin soit représenté en 3D.

Même si c'est techniquement irréprochable.

En effet, si la démarche est discutable, le traitement, lui, est impeccable. Le photoréalisme est saisissant sur certains plans, le dynamisme apporté par la 3D peut s'avérer de bonne augure (le récit de l'abordage de Rakham le rouge par le capitane Haddock), l'adaptation du character design des personnages aurait pu être pire, les textures et les couleurs saisissantes. C'est bien fait, c'est beau, c'est propre. En même temps il y a la thune derrière.
Cependant il aurait été plus couillu de la part de Spielberg de produire (à ce niveau là pour moi ça s'appelle pas réaliser, désolé) une adaptation en animation traditionnelle, en 2D, vraiment fidèle au trait unique de Hergé, respectant la personnalité de l'écriture, l'intégrité de l'histoire originale, l'esthétique et l'éthique, quoi. Sinon faut pas parler d'hommage bande de faux culs.

Un rythme soutenu, une gestuelle des personnages travaillée et remarquable (chapeau Andy Serkis ), un Haddock qui crève l'écran (chapeau Andy Serkis), et un parfum d'aventure qui rappelle les jeux d'enfants (Spielberg touch) sauvent le film du naufrage. Mais ça laisse entrevoir la sensation de douleur annale que doivent ressentir les créateurs d'œuvres adaptées par les ricains, et qui n'est pas seulement réservée aux auteurs grecs issus de l'Antiquité ( je vous laisse chercher les références).