La réussite visuelle frappe immédiatement. Le travail de rendu est stupéfiant : les textures sont d'une finesse incroyable, la modélisation des personnages est incroyablement bien vue (bémol pour Milou), et la photographie est superbe. Ce style hybride, véritable fusion du réel et du dessiné force le respect.

Le ratage musical frappe tout aussi immédiatement. Oubliez les très belles orchestrations de la série dessin animé, oubliez le scherzo for motorcycle et l'imperial march... Omniprésent, le score cartoon-burlesque surligne la moindre action, le moindre geste. Vous vous souvenez de l'insoutenable bande-son du premier quart d'heure du Temple maudit ? Ce n'était rien comparé à cette bouillie que nous sert Williams : un magma sonore jamais inspiré dont aucun thème ne se dégage, et qui souffle sur le métrage un vent de ringardise.

Le film s'articule en deux temps. La première partie joue à fond la carte de la nostalgie et de l'ambiance. Une mise en scène légèrement surannée, mais non dénuée de charme, présente les personnages et le "mystère" de la Licorne. Une concierge, des "sapristi" et Tintin qui parle à son chien...C'est old school, ou en tout cas, ça veut l'être.

Il y a cependant un petit côté artificiel dans les "dialogues" entre Tintin et Milou : le procédé est un peu lourdingue pour faire monter seul le suspense, et souvent la voix gâche des moments par ailleurs bien mis en scène. Le film réussit ici la gageure d'être plus ringard que la bd. Le pire moment étant l'épisode du portail : des grilles qui laisseraient passer un dogue allemand obèse et notre Tintin qui s'exclame "Milou ? Comment as-tu fait pour passer ?!". Tout ça pour nous faire découvrir un trou dans le mur d'enceinte...Comment une telle réplique a-t-elle pu passer, c'est surtout ce qu'on se demande.

La seconde partie du film, c'est poursuites, cascades et explosions. La montagne russe à plein régime, toute vraisemblance est sacrifiée au profit du grand spectacle. A côté, la poursuite en jeep d'Indiana Jones 4, c'est du documentaire. On est clairement sur les codes du cartoon, et on a plus l'impression de voir un Tom et Jerry servi par un casting de luxe que d'assister à l'adaptation de Tintin. C'est du très grand spectacle : on en prend vraiment plein les yeux, plein la gueule. Tout s'enchaîne à un rythme trépidant - épuisant diront certains.

Mais, malgré les prouesses délirantes de ces poursuites en série, on n'arrive pas à chasser une impression de déjà-vu. Les séquences des bateaux, c'est du Pirate des Caraïbes, la poursuite en side car, c'est La dernière croisade, les poursuites sur les câbles, c'est Uncharted 2 (le jeu video), la scène de la bibliothèque, tiens, c'est encore La dernière croisade...En ce sens, Tintin est symptomatique de pas mal d'autres superproductions : trop d'énormité tue l'épique. Le souffle de l'aventure, l'appel du large, tout ceci n'apparaît finalement que dans les deux dernières répliques du film.

Tintin n'échappe pas à ce lissage par l'énorme qui avait déjà eu raison du Crâne de cristal, de King Kong ou de Transformers. Le film est largement au-dessus de ces exemples, mais à force de vouloir en donner pour son argent au public, on force le trait, on en met trop, on épuise et on désengage émotionnellement le spectateur. Venant du réalisateur qui avait, il y a longtemps, réalisé E.T et Jurassic Park, ça fait mal. Et quand on réalise que les meilleures trouvailles de ce Tintin proviennent d'anciens films de Spielberg lui-même, ça fait de la peine.

Au final, on se demande un peu pourquoi Spielberg a choisi d'adapter Tintin. Si c'était pour en faire un Monstres et Cie croisé à du Pirates des Caraïbes (que j'apprécie, là n'est pas le problème), ça ne valait pas trop le coup. Le charisme visuel de ces fantastiques personnages est bien présent, mais le souffle universel de l'aventure adressée aux enfants de 7 à 77 ans n'est décidément pas là.
raphael_B
7
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le 28 oct. 2011

Critique lue 265 fois

raphael_B

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