Les Chevaliers de la Table ronde par Wykydtron IV

Après le succès d' "Ivanhoé", il y eut d'autres films médiévaux exploitant le succès de celui-ci. Il y avait notamment "Les chevaliers de la table ronde", avec le même réalisateur qu'Ivanhoé, Richard Thorpe, et le même acteur principal, Robert Taylor.
Il y a des similitudes supplémentaires : ce générique de début bien classe, soutenu par une musique magistrale ; des décors impressionnants ; de beaux costumes très colorés ; et un triangle amoureux dans l’intrigue.
Du reste, on ne croirait pas que l’on doit Les chevaliers de la table ronde au même réalisateur qu’Ivanhoé, et que les deux films ont un scénariste en commun (parmi 3, pour Les chevaliers…).
Pour un film des années 50, Ivanhoé m’avait impressionné, c’était du grand spectacle.
Dans Les chevaliers de la table ronde, on a très tôt un moment crucial dans l’histoire du film mais aussi tout simplement dans le mythe du roi Arthur : ce dernier qui retire Excalibur de son enclume. La musique triomphante est là, mais la scène n’est pas très spectaculaire, le plan est trop large, comme si on avait voulu caser tous les personnages et tout le décor dans le cadre, alors qu’il y a d’autres plans dans la même séquence où on est plus près d’Arthur, ce qui aurait dû être le cas quand il se saisit de l’épée.
Avec cette façon de cadrer, lors des combats entre deux armées ennemies, c’est juste un gros bordel où les acteurs font semblant de se taper et on ne distingue pas grand-chose, j’ai vite arrêté de prêter attention.
Le problème vient du fait que j’ai vu le film en DVD, et qu’il a été tourné en Cinemascope (le premier film MGM à être filmé ainsi), il est censé être vu sur un grand écran. Enfin même en prenant cela en compte, je me suis rendu compte comme les combats étaient anti-spectaculaires. Il y a un duel à la lance entre Lancelot et un vilain, très court, très simple, vite achevé. Tout le contraire de ce qui faisait qu’Ivanhoé était aussi mémorable, notamment avec une séquence de tournoi où la lutte était longue et impressionnante.

On retrouve dans Les chevaliers de la table ronde divers éléments que l’on peut voir très souvent au cinéma, mais… en moins bien.
Il y a ce méchant qui réclame à ses hommes le silence d’un traitre (un truc qu’on peut voir dans n’importe quelle fiction médiévale, on peut ordonner la mort de quelqu’un comme on commanderait une pizza). De nos jours, on verrait le traitre tué sur place, à l’aide d’une dague par exemple, mais comme ce film-ci date des 50’s, il faut être moins violent : les hommes jettent la personne du haut d’une falaise, ce qui est compromis simple mais correct... il aurait fallu en rester là, sauf qu’on voit l’homme tomber dans la boue ! Faut croire qu’il se noie dedans, embourbé dans un ralenti des plus disgracieux. J’aurais été monteur sur ce film, j’aurais coupé ce détail grotesque, pour qu’on imagine le type s’être écrasé contre le sol.
Ivanhoé arrivait à trouver un bon équilibre, en ne montrant rien de trop violent, mais en laissant imaginer le pire pour certains personnages : je pense à cette scène où le sol se dérobe sous un homme, et qu’il tombe apparemment dans les flammes ! Ca, c’était impressionnant, sans qu’à l’image il n’y ait vraiment de quoi choquer le public.
Dans Les chevaliers de la table ronde, l’auto-censure nuit au film.
Le héros, Lancelot, se sert de son épée pour assommer ses adversaires en les frappent sur le casque, ou se contente de les bousculer avec son bouclier sans prendre la peine de les achever une fois à terre. Il en vire même un d’un coup de pied au derrière. De tout le film, je crois que Lancelot ne tue qu’une seule personne. C’est absurde, à quoi lui servent ses armes ?
Ca rend comique la réaction d’un homme qui, en découvrant l’identité de Lancelot, s’étonne "j’ai combattu Lancelot et j’ai survécu !".
Comment faire un film sur le moyen-âge évoquant des guerres entre chevaliers, et refuser toute violence ? C’est presque aussi ridicule que ces moments de combats dans "Astérix chez les bretons", où ils ne font que se taper sur la tête inlassablement.
Le seul moment de violence du film, et ça m’a assez surpris, c’est quand Modred se saisit de la tête d’Arthur sur un pic. Sauf que c’est une fausse tête…

Lors de certains affrontements, on voit les personnages couper de petits arbres autour d’eux de leurs coups d’épées, histoire de donner l’illusion "ouah, ça coupe vraiment en fait !" (il faut au moins ça pour nous le prouver, parce que sinon on ne voit personne souffrir de la lame de son opposant).
Pendant le combat entre Lancelot et Arthur, j’ai cru que les personnages se connaissaient déjà, et qu’ils se battaient pour rire, entre potes quoi. En fait, à la fin de l’affrontement, on découvre qu’ils ignoraient chacun l’identité de l’autre, et se battaient réellement. Wtf ? Pourquoi Lancelot a aidé l’autre à sortir son épée d’un tronc d’arbre dans laquelle elle était plantée ?
Et pour conclure ce duel, Lancelot tape son épée contre un arbre et… elle se brise. C’est n’importe quoi !
C’est comme la scène à Stonehenge, où, en poussant un peu, Lancelot fait tomber un des rocs ! Le film se sabote lui-même en mettant en avant son côté factice de carton-pâte, c’est pas banal.
Il y a d’autres incohérences du genre (le type qui se la joue Guillaume Tell Jr et arrive à pencher la tête avant de se faire toucher par une flèche…) mais je m’arrête là.
Les personnages aussi sonnent faux, toutes les répliques font très "écrites", elles sont très littéraires ; certes ça correspond à l’image romancée qu’on se fait du moyen-âge, tout le monde parle avec un lyrisme que l’on n’a pas aujourd’hui, etc, mais là ils en font trop par moments. Même si ce n’est clairement pas la volonté des scénaristes, les personnages sont limite hypocrites ; heureusement que le jeu des acteurs arrive à véhiculer une forme d’honnêteté, en dépit de la bêtise de ce qu’ils peuvent raconter : Lancelot qui, à la mort d’un chevalier un peu gros qu’il avait affronté, mis à terre en même pas 5mn, et failli tuer, lui dit qu’il n’avait "jamais connu meilleur chevalier"… faut pas déconner.
Je ne crois pas en ce que raconte Lancelot, ce personnage censé être notre héros, je ne crois pas en ce sourire qu’il arrive à conserver pratiquement en toutes situations (même après la mort de sa femme), à mon avis l’intention était d’en faire un badass et/ou un héros attachant quoi qu’il arrive, pour moi ça en fait un être faux.
Quand il dit qu’Elaine est la femme qu’il aime le plus après Guenièvre, je me suis demandé s’il disait ça sérieusement ou non, tant la relation entre lui et Elaine n’a pas du tout été développée jusque là, j’avais l’impression qu’il ne la voyait que comme une enfant, une fille gentille mais qu’il ne pourrait jamais percevoir en des termes romantiques.
Il faut croire que finalement, Lancelot disait vrai, c’est juste que cette relation entre personnages fait partie de ces éléments trop peu développés.
Perceval parle tout le temps de la quête du Graal et de la mission que lui a confié dieu, ce type entend dieu et voit un Saint Graal matérialisé dans les airs, il doit être taré ; et au final cette quête n’est pas du tout incluse dans l’intrigue (et en même temps, comme on sait que le Graal n’a jamais été trouvé, ça aurait été vain). A la fin du film, on ne sait pas ce qu’il est advenu de la relation entre Lancelot et Viviane… ou ce qu’il est advenu de Viviane tout court.
Lancelot semble aussi apprécier beaucoup sa monture (son cheval, pas Viviane hein), mais on ne voit jamais aucun signe de l’affection du maître pour sa bête ou de la fidélité de l’animal à l’homme, du moins avant une scène vers la fin ; du coup, ça retire toute valeur à ce que dit Lancelot à un de ses hommes, quand il dit que son cheval lui est fidèle mais qu’il s’en servirait pour nourrir cet homme s’il le fallait.

C’est un comble qu’un film de 2h ait des lacunes pareilles dans sa narration.
"Les chevaliers de la table ronde" n’est pas un très bon film, mais on ne s’ennuie pas trop, au moins.

PS : Je me rends vraiment compte de la ressemblance entre Ava Gardner et Rose McGowan, Tarantino avait raison.
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le 25 nov. 2012

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Wykydtron IV

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