Alors que je m'offre un marathon Disney très apprécié, alors que je me réjouis d'enfin avoir réussi à exaucer un petit voeu d'enfant en ayant pu voir tous leurs films, hier, j'ai eu la soudaine envie de revisionner ce film qui compte sans aucun problème parmi mes favoris. Ca m'arrive régulièrement depuis que je l'ai découvert pour une raison tout à fait débile il y a de cela deux ans, parce que ce jour-là, en visionnant Les Enfants Loups pour la première fois, je me suis prise une claque monumentale. Parce que il y a de multiples lectures possibles de cette histoire. Parce que c'est techniquement merveilleux. Et parce que, aussi, plein de choses d'autres...


J'ai donc découvert les Enfants Loups parce que (prière de ne pas rire) il y a des loups dedans. Oui, c'est aussi bête que ça. Parce que des loups représentés positivement, moi, rien que ça, ça me donne envie de regarder. Bref... J'ai pris une claque.


Si, en entendant parler d'enfants loups, vous vous imaginez une histoire fantastique, avec des combats, des pouvoirs magiques et tout, alors vous serez déçus. Il n'y a rien, absolumment rien, de fantastique dans ce film. Si les enfants sont des enfants loups, ce n'est pas pour obéir à nos besoins d'action (au contraire, le rythme du film est très lent.), mais par métaphore. Métaphore d'une différence et métaphore du handicap, métaphore, donc, d'un état identitaire compliqué à assumer. Le film, ainsi, devient un récit sur la manière d'élever, seul, des enfants à besoins spéciaux et les sacrifices nécessaires pour leur épanouissement. Constat amer ? Oui. Mais réaliste, et je sais de quoi je parle, ayant grandi avec l'un de ces enfants.


Il n'y a pas vraiment de scénario dans*Les Enfants Loups*. À la manière d'un Totoro ou d'un Kiki la Petite Sorcière, ce n'est pas tant l'histoire en elle-même qui fait l'intérêt du film, mais la manière dont elle est traitée. Ici, les choses se déroulent en douceur, avec une poésie sans cesse présente. Le scénario se déroule sans grands éclats d'action, mais toujours avec tendresse, justesse et beauté. Ainsi, la première partie installe doucement les circonstances de la naissance des enfants et les soucis rencontrés en ville. La seconde se concentre sur la vie de famille, que ce soit le combat de la mère ou les jeux et tracas des enfants. La troisième décrit la manièe dont les enfants, à l'aube de l'adolescence, commencent à trouver leur place dans la société. La dernière, enfin, résoud la crise identitaire des trois personages. Ainsi, chaque partie de la vie des enfants, bébé, enfant, pré-adolescent et adolescent, nous est montrée, toujours avec grand talent. Dans Les Enfants Loups, la parole est toujours utile et dosée, la musique, les silences, ayant une immense importance dans le récit. Le son se coupe ainsi brutalement dans les moments essentiels, la musique, belle, envoutante, peu commune, souligne chaque scène avec brio. La mise en scène, visant sur la poésie visuelle, est bluffante. Chaque moment est ainsi une merveille de par la délicatesse et l'intelligence des plans. À noter que non seulement la mise en scène est merveilleuse, mais en plus l'aspect visuel l'est tout autant. L'animation, par exemple, brille par sa réussite, et que dire des décors, ces merveilleux décors, presque photographiques, mais magnifiés ! Il faut les voir, les gouttes de pluie, les herbes, la montagne, pour y croire. Quelques éléments de 3D sont ajoutés, remarquables, mais non dérangeants. Il en résulte donc une perfection visuelle intouchable, mêlée à une perfection auditive tout aussi impeccable, ce qui fait du film une merveille, si l'on adhère au character-design très "japonais", l'aspect manga étant plus marqué.


L'histoire des Enfants Loups, cependant, ne serait rien, sans ses personnages. En effet, quand on suit des personnages dans leur vie quotidienne, il est essentiel que ceux-ci soient attachants. Or, c'est ici bel et bien le cas. L'héroine de l'histoire, contrairement à ce que le titre laisse croire, est la mère, Hana. Celle-ci est une très jeune femme (de 19 ans à peine au début de l'histoire), forte, qui tente de ne jamais abandonner. Aussi, même avant sa rencontre avec l'homme loup, on nous apprend qu'elle est élève à la fac le jour, et qu'elle travaille le soir pour payer ses études. Ensuite, elle fera son maximum pour offrir à ses enfants différents, qu'elle ne peut que difficilement confier à des tiers de par leurs transformations intempestives, une vie agréable et surtout, le choix. Seule, elle n'en demeure pas moins une femme moderne, qui va travailler à côté de ses enfants. Pleine de doutes face au devenir de ses enfants qu'elle ne sait comment élever, ses questionnements raisonnent en quiconque cotoyant un enfant avec un handicap particulièrement rare et difficile à gérer socialement. Ses doutes sont très touchants, et la force de son caractère force le respect. Le père lui, ne fait que passer, mais malgré son peu de temps passé à l'écran, on reste énormmement attaché à lui, si paternel, si prêt à aider sa "femme"... Les enfants, eux, sont adorables. Yuki, la petite fille, est l'aînée. Espiègle, très vive, téméraire, cette enfant est la joie de vivre incarnée. Bénéficiant d'un grand caractère, mais aussi de capacités d'adaptations, elle est autant à l'aise, dans son enfance, dans le monde des loups (chasse) que dans celui des hommes (l'école), avant de rencontrer de plus grandes difficultés. Ame, le garçon, plus jeune, d'emblée plus fragile, est lui un esprit plus torturé. Peureux, timoré, il se montre également plus réfléchi et moins insouciant. Ayant des difficultés, dans un premier temps, à accepter sa différence, il traverse de difficiles moments de doutes. Le moment où il demande à sa mère pourquoi les loups sont toujours les méchants est, par exemple, déchirant. Enfin, autour de ces personnages, tournent une floppée de personnages secondaires dont quelques-uns méritent d'être mentionnés pour leur intérêt : le vieux fermier et les autres habitants du village, qui aident Hana dans sa nouvelle vie et apportent une petite touche d'humour subtil et sympathique ; ou Sohei, camarade de Yuki, qui est également le tournant de sa vie et dont la relation avec cette dernière est vraiment mignonne et belle. Tous ces personnages sont humains, vrais, et de mon avis, parmi les plus attachants jamais crées.


Passons maintenant au côté métaphorique du récit. ATTENTION AUX SPOILERS DE CETTE PARTIE. En choisissant une différence imaginaire, le réalisateur a permis de réunir en une seule image toutes les situations possibles. Aussi, le récit se construit comme le ressenti de cette mère seule face aux particularités de ses enfants. Ainsi, quand Yuki est malade, elle hésite entre le médecin et le vétérinaire. Cette petite scénette est amusante, mais la situation n'est pas si anodine quand on ne sait a quel spécialiste s'adresser... Et quand Hana parcourt la ville et que les regards se tournent vers elle, n'est-ce pas la terrible épreuve du regard des autres sur ses enfants qui est montrée ? Également, il y a toute la question de l'adaptation, particulièrement développée celle-ci, jusqu'à être au centre des thèmes traités. Nous sommes face à trois destins entremêlés : celui du père qui, sans renier la société, a un peu de mal à assumer son problème et n'en parle à personne, tout en osant que peu s'ouvrir aux autres (avec Hana, il sera entièrement en confiance). Ensuite, celui du refuge dans un monde qui nous convient (ici, la forêt, dans notre monde réel ce peut être l'art, une passion ou... la forêt aussi.), ce sera le cas du petit Ame qui, jamais à l'aise tant qu'il devra affronter les préjugés sur lui et les autres (la souffrance sociale du petit garçon étant montrée très subtilement dans l'ellipse de l'école), finit par se métamorphoser (littéralement) en assumant totalement ce qui le faisait tant souffrir auparavent, au contact de sa nouvelle passion, même si le prix à payer est de demeurer un solitaire... Enfin, celui de l'adaptation dans la société, sans se renier. Ce sera le parcours de Yuki, qui, au début insouciante, subira un sentiment de décalage à son entrée à l'école. Suite à cela, la fillette finira par renoncer totalement à ses transformations et ses gouts différents. Malheureusement, elle se révèlera malgré elle. Après une période de honte, elle finira cependant par assumer ceci devant son camarade, ce qui lui permettra de se libérer d'un poids et de poursuivre son existence sociale avec ses amies sans pour autant avoir à se mentir... Aucun jugement n'est d'ailleurs fait sur ces trajectoires de vie. Aucune n'est montrée comme meilleure que l'autre.


Enfin, notons qu'à côté de ces grands thèmes que sont la différence et la parentalité solo, d'autres se cotoient : l'importance de la nature, l'amour, la famille, la place du mort, le manque du père... et d'autres encore.


Bref, je suis totalement tombée sous le charme de ce film d'animation riche et beau, qui dispose de bien des niveaux lecture, et qui, enfin, s'adresse plus aux adultes qu'aux enfants malgré son absence de violence ou de tensions. Un bijou, qui mérite les éloges reçues !

Presci1508
10
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le 6 oct. 2016

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Presci1508

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