Conte surréaliste qui traite avec subtilité des égarements de la mémoire ( ou de la raison ) et des enchaînements imprévus du hasard, Alain Resnais nous offre un film qui s'inscrit parfaitement dans la lignée des précédents et semble conclure - sans jamais appuyer le trait - une oeuvre qui se plaît à osciller, avec virtuosité, entre comédie et drame, onirisme et inventivité, fantaisie et expérimentation.
" Nous nous regardons tous, nous nous soupesons mais nous ne connaissons pas vraiment nos vraies motivations, ni l'origine de nos pulsions" - a t-il déclaré lors de la présentation des herbes folles au dernier Festival de Cannes. Poursuivant :
" Dans mes films, je laisse parler l'inconscient. Quand une image s'impose à moi, je ne la mets pas en question. Je la tourne et je la colle. Depuis cinquante ans que je fais du cinéma, j'ai toujours été étonné que mes films soient acceptés ".
A 87 ans, le pari est tenu et le cinéaste a prouvé, si besoin était, qu'il restait un éternel jeune homme, ne craignait nullement les exercices de haute voltige et n'avait rien perdu de son talent innovateur. Tiré d'un roman de Christian Gailly " L'incident", Les herbes folles , parées d'une certaine grâce poétique, semblent balancer au gré du souffle primesautier qui les fait ployer selon ses caprices.

L'histoire est celle de Georges Pallet, campé par André Dussolier, qui ramasse par inadvertance, dans le parking où il gare sa voiture, le sac d'une femme inconnue dont il découvre sur le passeport l'identité et la photographie avant d'aller remettre le tout aux objets trouvés. Bien ou mal lui a pris de tomber sur cet objet qui va être à l'origine d'une aventure inattendue et pour le moins riche en rebondissements. Car notre héros s'ennuie dans son pavillon de banlieue auprès d'une femme popote et son esprit va dès lors gamberger et fantasmer tout à loisir sur cette femme dont le visage lui rappelle celui d'une aviatrice célèbre. Elle s'appelle Marguerite Muir ( clin d'oeil de Resnais au film de Mankiewicz "L'aventure de Mme Muir"), est dentiste de profession et abandonne facilement la roulette dentaire pour les voltiges aériennes, ce qui ne peut manquer de séduire Monsieur Pallet, lui-même accro d'aviation. Tout semble donc les rapprocher et, désormais, le banlieusard n'aura plus de cesse que de poursuivre, voire de harceler, cette femme en une suite de rendez-vous manqués et de saynètes pétillantes de drôlerie qui nous font toucher du doigt les ratés du destin avec autant d'humour que d'intelligence et d'imagination. Pour ce faire, le cinéaste use de toutes les ressources techniques de la caméra en une débauche de plans étourdissants et parfois fastidieux. C'est le reproche que je ferai à ce film de susciter davantage l'admiration que l'émotion.


Dans le rôle de Marguerite Muir, Sabine Azéma, que je n'ai jamais beaucoup aimée, à l'exception de deux ou trois films, est assez agaçante face à un André Dussolier égal à lui-même, aussi Jean de la lune que possible, ce qui convient parfaitement à un personnage qui passe sans transition de l'espièglerie à la névrose. Dans leurs seconds rôles, Anne Consigny, Mathieu Almaric et Emmanuelle Devos sont parfaits ; quant à la mise en scène pointilleuse, très inventive, faite de surprises et de loufoquerie, elle nous révèle un cinéma français en pleine forme et nous conforte sur la valeur excellente de la cuvée 2009.
abarguillet
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le 11 juil. 2013

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abarguillet

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