Spoilers inside (beaucoup)


Le cru le plus populaire de Scorsese, le plus vu aussi, à la fois pour son casting 3 étoiles (Di Caprio, Dammon, Nicholson) et pour son scénario retors digne d'un Tarantino où chacun passe son temps à baratiner l'autre pour camoufler ses petites activités et tenter de sortir vivant de tout ce pétrin. C'est simple, avec Les Infiltrés, c'est vraiment Scorsese qui se prend pour un Tarantino et qui fait du dialogue et du dialogue à tout va, jusqu'à ce que tu attendes qu'il se passe un truc de vraiment surprenant, qui n'ait pas été annoncé. Parce que Scorsese est tellement malin qu'il veut souligner la virtuosité de son scénario (qui réserve quelques retournements) en mettant des symboliques ou des avertissements toujours à l'avance. Si vous êtes attentifs, alors vous pouvez prévoir à peu près tout ce qu'il va se passer non en parcourant un chemin logique, mais parce que les codes hollywoodiens. Ainsi, les chefs se sentent obligés de préciser que seul le dossier d'un infiltré atteste de son action judiciaire (oh, quelqu'un va l'effacer alors !). Il y a vraiment des infiltrés partout, c'est une vraie plaie tous ces rats (oh, je suis sûr qu'il y en a un planqué dans le tas qui va retourner sa veste). Le sous chef a disparu mais on s'en fout pour l'instant (tu vas voir qu'il va revenir faire le ménage !). Et ainsi de suite.


Les personnages passent leur temps à blablater non pour nous apprendre des trucs ou illustrer un mode de penser mais pour meubler (di caprio devient parano, la psy éponge le tout, mat dammon intoxique tout le monde (il est assez logiquement le personnage le plus terne de tout le film), et Jack cabotine, hélas loin de crever l'écran. C'est sûr qu'il est marrant pendant 2-3 scènes (quand il pète le bras de dicap, quand il lui fait une blague, quand il mime un rat...), mais le charisme reste très limité. On se retrouve donc en face d'un film totalement lisse, cohérent dans l'univers de dupes et de fausseté qu'il cherche à explorer, mais qui brasse plus de vent qu'il ne fait avancer les choses. On voit des moments pensés véritablement pour être virtuoses (le coup du portable, l'associé qui pige l'identité de l'infiltré à son ultime seconde...) mais la sauce ne prend pas, et l'on retombe bien vite dans les dialogues, parfois dynamités par cette musique irlandaise braillarde venant apporter un peu de pêche à ce thriller mollasson. Ne parlons pas du final qui culmine dans la grandiloquence, s'organisant un retournement de situation logique et qui fait tellement tape à l'oeil que j'ai même pas apprécié, c'est tellement démonstratif qu'après plus de deux heures, sentir qu'on s'est fait un peu prendre pour des buses, ça m'agace (et il faudra que je songe sérieusement à réévaluer the usual suspect qui est la quintessence de ce procédé).


Question facture technique, c'est toujours bon, la musique passe sans trop se faire remarquer, bref, l'équipe technique a fait son boulot. Le résultat est toutefois bien au dessous des précédents travaux de Scorsese, qui se livre ici à un divertissement roublard et étiré à l'excès, ressemblant dès lors à un travail inspiré de QT, surement une raison supplémentaire pour le public d'apprécier le résultat.

Voracinéphile
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le 24 mars 2016

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