Je regarde les moissons du ciel.

C'est typiquement le genre de film qui m'agace : très beau, mais alors magnifique, inspiré, savoureux de bout en bout. Très belle forme. Mais alors le discours, il en tient une sacrée couche.

Je suis obligé de relater le film pour que l'on comprenne bien. D'autant plus, je ne cache pas que mon ressenti, fait d'objectivité et impassibilité, va sembler abrupt mais c'est la réalité des événements. Il s'agit alors d'un couple qui, poussé par la misère, trouve refuge chez un riche propriétaire terrien, très gentil au demeurant, au moins aussi gentil qu'il est riche. Le propriétaire, se sachant mourir, cueilli dans sa jeunesse, s’intéresse à la femme du couple... tandis que son mari la pousse à accepter, espérant quelques retours, un peu d'amour et de sacrifice contre beaucoup d'argent.

Du coup, pour moi, c'est une histoire très violente de prostitution qui se rapproche moralement du film Proposition Indécente. Mais le film ne fait pas tellement état d'énormément d'injustices... Il se revêt au contraire d'une sorte de fatalisme... "La femme" est curieuse, pensez-vous, elle s'entiche du propriétaire et jamais, elle ne se pose la question du "pourquoi le propriétaire" ? C'est une question complètement absente. Les spectateurs les plus niais ou complaisants iront jusqu'à compromettre leur propre subjectivité en disant : mais c'est parce qu'elle l'aime ! Et bien, ce n'est pas mon avis que de considérer l'amour comme une chose qu'on peut retourner comme une chaussette. La preuve manifeste en est qu'elle n'a vraiment aucun recul sur sa condition. Et comme si ce manque de recul ne suffisait pas, Malick emploie, pour se sortir d'une lourdeur, la vision innocente et impartiale d'une enfant. C'est très beau hein, mais merde quoi.

Et même si Malick disait vrai : "C'est effectivement l'argent qui domine notre raison", pourquoi en fait-il un fléau sentimentaliste ? Il n'a pas l'air, dans l'humanisme que le monde entier lui confère, de trouver dégueulasse cette considération pour l'humain.

Alors faut-il voir ce film avec une vision de classe ?
Avec une vision "humaniste" ?
Malick voulait-il mettre en scène un cas inextricable pour nous faire prendre conscience de l'insolubilité des possibles ?

Il y a un gouffre assez conséquent entre la technicité et la morale du film... Et, s'il me plaisait de comparer, je retrouve la même faille esthétique et morale chez Riefenstahl.

Si l'on vit sans morale autre que la pure esthétisation des sentiments et la pure reproduction sans morale sur ce qui se pratique en réalité, nous sommes alors proche de ce que délivre Hollywood chaque mois dans les salles de cinéma.

Malick chercherait-il à tisser un piège moral ? Nullement.
Mais j'ai pris mon parti : Ta gueule le mac.
Andy-Capet
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le 27 janv. 2014

Modifiée

le 18 juil. 2014

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Andy Capet

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