Les Vikings. Aaaaah, le souffle de l'aventure, les passions qui s'entrechoquent, le désir d'horizon, le vent qui fait frémir les cheveux d'un loup de mer buriné en quête de fortune, d'une femme ou juste de l'excitation de l'inconnu...
Et c'est pas parce que ce film parle aussi d'intrigues politiques, de raids sanglants et de soirées mousses qui vont un peu loin que ça affaiblit en quoi que ce soit les aspects précédemment cités.
Einar, fils de Ragnar, chef d'un village de vikings, tombe amoureux d'une princesse captive, fiancée à un quelconque tyran anglais. Il entre en rivalité avec Eric, un esclave ramené encore tout enfant d'une expédition.
Sur cette trame assez simple viennent se greffer moultes péripéties, des sentiments profonds, et de la déconne métalleuse.
On a là, pour moi, l'archétype, le saint-graal du film épique , avec une parfaite balance entre le drame shakespearien de circonstance et l'absence absolue de prise de tête, du cinéma pop-corn où le héros combat le méchant roi mêlé à quelques drames fatidiques et guerre fratricides. Jamais trop léger, jamais trop prétentieux, on y trouve un zeste de politique, un zeste de violence, un zeste de romance, un zeste de mythe... La recette simple d'un bon moment.
Simple parce que classique, ne nous leurrons pas. On est loin d'un film novateur ou subversif. Si l'intrigue reste assez riche et la galerie de personnages plutôt bien remplie, elles restent assez conventionnelles pour les années 50. Enfin, si on estime que le fait de sous-entendre un viol plutôt que le montrer directement et ne pas gaspiller des fontaines de ketchup quand on coupe un membre est un signe de pudibonderie.
Néanmoins, le film est loin de manquer de petites pointes de folies ou de moments de nawak assumé. Les vikings dansent sur des rames, balancent des objets contondants sur les nattes de leurs femmes pour juger de leur fidélité (cultissime), se rient de la mort, se construisent une échelle à coup de haches, hurle leur amour d'Odin au moment de leur trépas...
Il y a aussi ces navires formidablement reconstitués, remontant les fjords sur un thème qui donnerait envie au pape d'aller piller son voisin puis boire du vin de messe dans son crâne. Cette brève présentation des croyances vikings. La douce rudesse de leur vie quotidienne. Cette comète légendaire qui traverse les cieux sans qu'elle soit jamais expliquée. Ces funérailles royales, où le guerrier brûle avec son navire dans le soleil couchant.
Je n'ai pas encore parlé du casting, qui n'est pourtant pas la moindre des raisons de voir ce film. Outre l'exquise Janet Leigh ( et son dos, qui n'a pas besoin de perdre son nom pour être gracieux )et le fringant Tony Curtis, on se réjouira de voir Frank Thring et sa tête de faux-derche dans le rôle de l'affreux roi Aella, le fourbe vil félon ( fourvilon ? ) dont chaque phrase semble implorer d'être suivie par « hinhin », Ernest Borgnine dans le rôle du jovial et charismatique chef vieillissant Ragnar, et... et et et... Kirk Douglas dans le rôle du borgne, brutal, classieux, dragueur, psychopathe et sympathique héritier Einar ? Best Casting Ever ! Raaaaah ! Regardez moi cette dégaine de badass fini à l'adamantium, cette trogne avenante et menaçante à la fois ! Ce sourire qui semble promettre une hache à qui se met sur sa route et une bière à qui lui plaît ! Si Kirk n'avait dû faire qu'un rôle durant sa longue carrière, celui ci me paraîtrait tout indiqué.
Alors oui, les épées ressemblent beaucoup à celle que j'ai pu manier en GN, les gens sont quand même tous très bien coiffés, c'est au fond bien régressif, comme plaisir filmique, tout ça peut paraître un peu dérisoire en notre temps de grands effets spéciaux et d'angoisse existentielle.
Mais par la barbe des boucs de Thor, je n'échangerai pas ce duel final sur les remparts contre toutes les superproductions boursouflées de vanité, de bons sentiment et d'effets spéciaux qu'on voit tous les jours !
Je le jure... Par le sang vénéré d'Odin !