Joshua (Tim Roth) revient dans le quartier de Little Odessa où il a passé son enfance pour exécuter un contrat. Ce tueur à gages, sans remords ni états d'âme, va retrouver son frère Reuben et ses parents. Son job et sa famille vont alors se confronter dans sa tête jusqu'à dérailler complètement. Les souvenirs refont surface, l'amour et la haine aussi...

Pour son premier film, James Gray impose son talent et se sert de Tim Roth comme tremplin. Magistral dans ce rôle de tueur froid, impassible et inflexible, c'est sur ses yeux que le film prend forme puis termine. Ce retour aux sources du personnage principal est une cure où ses émotions, enfouies profondément après de douloureuses expériences, le submergeront tout de même lorsqu'il se retrouvera seule face à sa mère mourante. Partagé entre son frère qu'il aimerait protéger et son père dont la relation catastrophique est palpable à chaque scène, Joshua n'a de cesse de marteler le destin. Il n'y aura pas de fin heureuse, c'est sûr. Il n'y a pas d'espoir ici. Les nuits n'y changeront rien, elles se ressemblent et font ressasser le passé. Lui, dont les meurtres ne font pas de vague, se met à perdre son emprise sur ses propres démons.

Profondément bloqués dans le présent, les personnages de Little Odessa n'arrivent pas à faire fi du passé pour avancer. Ils survivent, presque dans un état léthargique au gré d'une vie sans aucun échappatoire. Gray, par le biais de sa mise en scène qui alterne les plans stylisés et réalistes, offre une vision pessimiste du quotidien écrasé dans son film comme le prouve cette scène d'amour avec Joshua, silencieuse, si ce n'est le bruit de l'extérieur assourdissant qui accompagne les corps en mouvement. Cette réalisation qui insiste sur cette routine en décomposition est présente dans les mouvements de caméra panoramiques, les travellings, les zoom/dézoom très lents qui emprisonnent les protagonistes. Cette atmosphère est la plupart du temps galvanisée par un travail dantesque sur la photographie, notamment des couleurs orangées qui donnent une texture toute particulière au film. La scène du meurtre où les tueurs ne sont plus que des ombres dans une sorte de tableau est sublime.

Little Odessa est une fresque noire sur une famille décharnée qui sera le point de départ et la clé pour comprendre le cinéma de James Gray à l'avenir. Un cinéma qui se concentre sur les émotions qui s'entrechoquent entre les personnages, sur les conflits personnels et toujours cette même thématique de la confrontation récurrente chez ses personnages torturés. Il tire de ses acteurs un supplément d'âme intéressant, se concentrant sur les réactions plus que sur les actions.

Ce film est le reflet d'un désaveu global, une quête d’identité et de repères qui ne peut malheureusement pas toujours s'améliorer. Lors des nuits calmes et sereines, ils ne se reposent plus, ce ne sont plus des enfants. Ils attendent le jour pour subir à chaque instant les assauts de leur vie de misère.
EvyNadler

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20
7

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