Une boucle bouclée est-elle un cercle ?

En boucle


Vu une première fois à sa sortie, le film Looper m’avait fait bonne impression. Il m’avait agréablement surpris, et comme beaucoup de gens, j’avais jugé négativement le film sur ses (prétendues) nombreuses incohérences, ne livrant qu’une vue superficielle de ce qu’est réellement ce film.
Revu 4 ans plus tard, force est de constater l’incontestable : Looper est un putain de bon film.
Si si. Et cela s’explique par la théorie la plus formidable que le cinéma ait jamais compté : la théorie de l’auteur. Si le film est si bon, est bien c’est parce que Rian Johnson.


Tout d’abord, je souligne la brillante idée d’avoir fait venir Bruce Willis sur ce film. Si ce dernier n’en a visiblement plus rien à foutre du cinéma depuis quelques années (Die Hard IV et parait-il Die Hard V est en projet, que dieu est pitié de nous), il est indéniable qu’il prend son rôle à contre-emploi bien au sérieux, sortant de sa bulle de star imbuvable (il est un tueur d’enfant dans ce film quand même). Le reste du casting n’est pas en reste non plus, comptant dans ces rangs Joseph Gordon-Lewitt (avec un maquillage douteux par moment quand même), une géniale Emily Blunt, ainsi que Jeff Daniels ou Paul Dano pour ne citer qu’eux. J’aime aussi à dire qu’un bon directeur d’acteur se reconnait aussi dans son utilisation des enfants, et celui de ce film est particulièrement brillante mais j’y reviendrai plus tard.


Alors oui, tout amoureux de SF rester coincé dans les années 60 avec 2001 ne verra qu’une chose dans ce film : des incohérences sur le voyage dans le temps.


Et bien détrompez-vous, après révision le film n’est pas incohérent. Il utilise, à bon ou mauvais escient selon les points de vue (pour ma part, je choisis le bon, mais je comprends totalement l’avis opposé) des grosses ficelles narratives pour le bien du scénario et la cohérence narrative.
Exemple : Quand Seth (Paul Dano) laisse filer sa boucle au début du film, l’idée de le torturer et l’estropier afin que sa boucle revienne peut apparaître comme capilotracté : Pourquoi ne pas le tuer directement ? La fin du film prouve que la mort de celui du présent permet de faire disparaître celui du futur non ? Rappelez-vous un dialogue précédant, Jeff Daniels précise que la mort de celui du présent engrange des complications, et qu’il faut mieux abattre directement celui du futur. Et hop, on justifie la scène d’après, qui est particulièrement bien faite si j’ose dire.


Je dis donc merci à Looper de faire une chose que le cinéma mainstream a oublié depuis longtemps : ne pas prendre les gens pour des cons (cf. Alan Taylor avec son Terminator de mes *, mais ceci est une autre histoire).


Le film veut faire passer le contrat à son spectateur que le voyage dans le temps n’est qu’un prétexte à raconter autre chose.


Si la première partie constitue une chasse à l’homme, la deuxième partie, est bizarrement plus calme : on se retrouve dans une ferme avec l’histoire de la mère et de son enfant. Le rapprochement entre tous les personnages se fait ressentir : la peur de la solitude, de l’abandon et l’envie de reconnaissance.


Tous les personnages du film fuient cette crainte : Joe du présent se sent seul dans sa vie de gangster intouchable (d’où le flashforward), Joe du futur ne veut pas être sans sa femme, sa seule raison d’être, la mère veut la reconnaissance de son fils, l’enfant a peur d’être seul plus tard à cause de ses pouvoirs, le gangster « kid Blue » veut le respect de son boss… Pour moi, une telle rigueur sur l’écriture des personnages ne peut que me rendre respectueux du matériau.


Le film se permet par ailleurs de très belles scènes émouvantes (les différentes scènes du champ, les dialogues entre Joe et l’enfant) ainsi que des moments d’actions et de tensions extrêmement bien fichues (l’utilisation des ralentis, les regards me rappelant Sergio Leone par moment…).


L’extrême rigueur ainsi que l’ambition cumulées au talent du réalisateur ne peuvent donc aboutir qu’à une seule chose : un film très bon, ingénieux, intelligent et fort divertissant.


Savoir que c’est cet homme que Disney a choisi pour l’écriture et la réalisation du 8e épisode de Star Wars ne peut donc être que de bon augure si vous voulez mon avis. (MAJ 2 ans plus tard : BOF.)

adrien-01
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le 20 sept. 2016

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