Ryan Gosling qui fait un film, c'est à double tranchant. Ryan, c'est un peu le (mon) chouchou de ces dames depuis quelques années. En 2013, si je ne me trompe pas, je l'ai vu au cinéma dans 4 films, et ne suis pas allée voir quelques autres dans lesquels il jouait. Très présent sur les écrans, il tient le premier rôle de Drive, qui connaît un succès monstre, et jouera dans Only God Forgive, du même (formidable) réalisateur, qui divisera nettement les spectateurs. Ryan s'est donc fait une place au cinéma et fricote avec le cinéma d'auteur, indépendant.


Lorsqu'il commence à parler de ce film qu'il est en train de réaliser, ça a mouillé sévère chez les cinéphiles. Eva jouera-t-elle dans son film? Et lui? De quoi Est-ce que ça parle? Vous vivez chez vos parents? Bref, autant de questions essentielles sont posées au beau blond, qui fait attendre son monde de son fameux sourire en coin (va poser ta question quand tu baves). Bien sûr, il fallait s'attendre à ce que le premier film de Gosling ne soit pas "classique". Grand ami de Nicolas Winding Refn, ils partagent tous les deux ce goût pour une poésie visuelle marquée, leurs références vont de Jodorowsky à Gaspard Noé, ils aiment tous les deux les films sombres et peu bavards, c'est la mise en scène et l'image qui parlent beaucoup. Bien évidemment, le cinéma de Nicolas Winding Refn est également une des (grosses) influences, que l'on peut sentir dans Lost River.


J'ai lu dans plusieurs endroits (magazines, ici, etc...) que les nombreuses références de Gosling alourdissaient son film. Pour moi, c'est un faux débat. D'abord, j'aime bien les cinéastes à références. Tarantino, Refn, Kurosawa entre autres, sont des réalisateurs que j'aime beaucoup et qui utilisent souvent des références ( - QUEUOUAH? Kurosawa? EIA, t'as fumé quoi? - Ben rien, mais si elles ne sont pas (toutes) cinématographiques, il me semble que Shakespeare et Dostoïevski sont des références...). Ensuite, je crois qu'en littérature comme ailleurs, la référence est obligatoire, même si elle peut être inconsciente. Comment pourrait-on écrire un roman, ou réaliser un film, sans en avoir jamais lu, ou vu? Le principal est d'utiliser ces références à bon essient, et surtout de ne pas être dans le mimétisme.


Ryan singe-t-il donc ses modèles ici? Peut-être un peu. Peut-être que ses ralentis sont un peu trop nombreux, peut-être que son Bully ou bien Dave font un écho trop prononcé à d'autres films, même dans la manière qu'il a de les filmer. Mais il a aussi un propos, il s'intéresse à l'Amérique, à la crise économique, au droit du plus fort. Et son film aurait pu être très fort grâce à ça, s'il n'avait pas, pour moi, choisi une facilité dans son scénario.


(Attention Spoiler)


Les maisons sont vides. Quelques familles restent encore au milieu des ruines, des incendies, dans cette jungle dominée par un roi autoproclamé. Billy et Bones, son fils, tentent de s'en sortir. Bones joue les courageux, mais pas les téméraires. Billy prend sur elle, résolue à travailler dans n'importe quel domaine pour pouvoir payer ses rentes. Jusque là, tout va bien. J'aime tout, les paysages délabrés, la mise en scène, la sobriété dans l'étrange, oui, mais! Oui, mais de deux choses l'une : soit Ryan est réellement en train de me parler d'une ville, Lost River, et des spécificités de cette ville, auquel cas je n'ai pas compris le film, pas senti une identité de la ville, pas cru à tout ça ; soit il utilise ce nom de Lost River pour parler de l'Amérique, ou même, soyons fous, de tous ces pays touchés par la crise économique, auquel cas il n'assume pas jusqu'au bout et se sent obligé de justifier son scénario par cette idée de malédiction à laquelle son héro lui même ne croit pas.


Il n'était pas utile d'amener ici une histoire de malédiction. "On a enfoui une ville sous le lac pour des raisons économiques" aurait suffi. Il n'y a de malédictions que celles auxquelles on croit. Pour se sortir d'une malédiction, il n'y a pas besoin de gris-gris, mais juste de saisir le taureau par les cornes. La solution ne peut pas venir d'une amulette dans ce film, c'est trop facile.


Alors, j'ai assez aimé ce film. Je le trouve prometteur, poétique, mais brouillon, pas suffisamment clair sur son propos. En tout cas, j'ai hâte de voir le deuxième film du beau Ryan.

EIA
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le 16 avr. 2015

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EIA

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