Un tueur psychopathe s’en prend aux petites filles. La police est impuissante à l’arrêter, et les meurtres s’enchaînent, plongeant les habitants dans la panique.


Désœuvrés, la police ne trouve d’autres solutions que de multiplier les descentes dans les quartiers pauvres et mal fréquentés, auprès d’individus qui comme un chacun sont choqués par ces horribles crimes et sont irrités par ces intrusions qui ne font que retarder la capture du coupable. Naturellement apeurés et inquiets pour leurs enfants, la population est prête à guetter le moindre signe suspect, quitte à jeter sa colère envers des innocents qui se seraient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Inquiets pour la baisse de revenus que provoquent les incessantes rafles, une organisation de malfaiteurs choisit d’arrêter elle-même l’insaisissable tueur. S’il parvient aussi facilement à s’approcher des enfants, c’est qu’il doit se montrer sous un visage sympathique et digne de confiance. Pire encore, il pourrait tout à fait être n’importe qui, se déplaçant incognito parmi les classes aisées. Ils font appel à la ligue des mendiants, regroupement organisé de différents marginaux répartis dans toute la ville, prêts à donner l’alerte et à suivre tout individu suspect qui accompagnerait un enfant. Tandis que de son côté la police ne pense qu’à des répressions de plus en plus sévères.


Les mendiants parviennent à trouver l’individu en question, après une traque acharnée et riche en tension. Ils décident de le juger eux-mêmes. Le tueur s’avère être tourmenté, en proie à des pulsions qu’il ne maîtrise pas. Une espèce de double personnalité, un côté aimable, où il achète des sucreries aux enfants, et un autre où ses démons personnels s’emparent de lui. Les criminels et les mendiants reproduisent l’équivalent d’un tribunal, mais la sentence est déjà formulée. En effet, un vrai tribunal le déclarerait fou et irresponsable, lui permettant ainsi d’échapper à son juste châtiment. Mais cela ne peut se produire, une telle personne ne peut que mériter la mort. Même aux yeux de bandits, voleurs, trafiquants en tout genre, ce sont des crimes qui ne peuvent être pardonnés. L’avocat chargé de le défendre tente bien de rappeler que ce n’est pas à eux de décider du sort d’un individu, que son cas est particulier, mais la population qui se tient au procès est déchainée et n’a qu’une seule pensée en tête, sourde à tout raisonnement. En particulier les mères, au nom d’une souffrance indescriptible causée par la perte tragique de leur enfant.


A l’aube de la montée du nazisme, cette violence et cette haine contenue dans les citoyens ordinaires ne peuvent être anodines. Au final on s’interroge, qui est le plus coupable ici ? Celui qui ne parvient pas à contrôler ses actes, ou ceux qui se posent en juge et bourreau et décident de la vie ou de la mort d’un autre ? Le débat sur la justice est ici posée, complexe et redoutable. Ou comment une peur et une colère parfaitement légitimes peuvent conduire à devenir soi-même criminels. La raison pour laquelle la justice est confiée à d’autres institutions, mais que faire quand elles ne remplissent pas leur office ? Comment ne pas franchir la ligne quand on fait justice soi-même, laissant parler d’avantage ces émotions, un point de vue forcément biaisée de la situation ?


Après quelques lectures autour de ce film, j’ai pu apprendre qu’il s’agissait du premier film parlant de Fritz Lang, déjà coupable du génial « Métropolis ». Il a su utiliser le son d’une manière alors originale pour l’époque. Songer que c’est quand même grâce à son sifflement particulier que le tueur se fait repérer. Même si le spectateur actuel peut être un peu désorienté par ces longues scènes silencieuses là où on est habitué à trouver de la musique. Scènes qui toutefois participent d’une certaine manière à la tension et à l’ambiance angoissante que dégage le film, comme la longue traque du tueur dans un entrepôt désert la nuit. Comme c’était souvent le cas à l’époque, et surtout pour les films muets, les acteurs ont un jeu très expressif, ce qui parfois exacerbe encore la folie des personnages ou la tension. Ainsi le moment où le tueur, piégé et affolé, se retrouve devant une assemblée d’hommes et de femmes au regard fixe et dur posé sur lui.
La langue allemande peut rebutée. Quand on n’a pas l’habitude, la langue paraît quand même assez rude. Mais on finit par s’y habituer.
Un classique, indéniablement.

Enlak
8
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le 19 avr. 2015

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Enlak

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