MA VIE DE COURGETTE est le premier long métrage d’animation du réalisateur Claude Barras. Il a adapté le roman de Gilles Paris « Autobiographie d’une courgette », récit d’enfance initiatique d’un enfant maltraité. Il a co-écrit le scénario avec Céline Sciamma (Tomboy, Bandes de filles, Quand on a 17 ans de André Téchiné) ce qui n’est guère surprenant tant on connait l’attrait de cette dernière pour les messages de tolérance, d’ouverture d’esprit, d’amitié ou de solidarité. Et de tout ceci il est évidemment question dans MA VIE DE COURGETTE, à travers l’année passée par Icare -dit Courgette- au sein du foyer d’accueil Les Fontaines. Après le décès dramatique de sa mère, Courgette va rencontrer d’autres enfants qui, comme lui, ont dû faire face à la défaillance de leurs parents : décédés, violents, alcooliques, drogués, en situation irrégulière ou en prison. Simon, Ahmed, Jujube, Alice, Béatrice et puis Camille, qui fera battre le cœur de Courgette. L’acclimatation de Courgette ne sera pas facile, et toute une partie du récit consiste à partager ses difficultés, mais aussi son ouverture aux autres et au monde. C’est d’ailleurs la voix off de Courgette qui raconte ce qu’il fait et pense.


Parce que les thèmes abordés sont universels, le film est destiné au jeune public dès 8 ans, mais les adultes peuvent aussi y trouver leur compte. Bijou de tendresse et de réalisme, MA VIE DE COURGETTE est porteur de courage d’espoir. Le jeune public est invité à explorer une palette de riches et intenses émotions. En empathie avec ces garnements qui apprennent à vivre courageusement sans leurs parents, on pleure, on rit, on espère, on est déçu. La force de l’empathie de MA VIE DE COURGETTE, c’est aussi de donner aux adultes l’impression de retomber en enfance, d’avoir à nouveau dix ans, et de s’imaginer à leur place. Pas besoin d’avoir été en famille d’accueil pour saisir ce que peuvent ressentir ces enfants : on a tous en nous ces impressions familières de déjà vu, d’avoir déjà vécu des moments semblables. Ainsi des péripéties des enfants dans Le Voyage de Fanny de Lola Doillon.


Même si on en comprend la nécessité au regard de la durée du film (66 minutes), certaines situations peuvent paraître un peu tranchées et certains personnages apparaître un peu caricaturaux. Mais le propos est de permettre au caractère de chacun de laisser entrevoir subtilement leurs émotions face aux événements qui lui est propre. Rien n’est montré mais suggéré avec délicatesse. On décèle la souffrance des enfants face à leur situation : ils font des cauchemars, ont des manies bizarres, se replient sur eux-mêmes ou au contraire réagissent avec colère.



« Bijou de tendresse et de réalisme, Ma Vie de Courgette est porteur de courage et d’espoir »



MA VIE DE COURGETTE interroge surtout sur le sens de la famille, celle que l’on subit et celle que l’on se crée. La maltraitance faite aux enfants est dénoncée : la plus évidente par le biais de la violence directe. Mais aussi la plus insidieuse que provoquent solitude ou désœuvrement dans lesquels se retrouvent certains enfants. Les questions posées par le film peuvent même être dérangeantes : qu’est-ce qu’être parent au fond ? Fait-on tout ce qu’il faut pour le bien-être de ses enfants ? Où commence la maltraitance ? Comment le sait-on ?


L’amitié, la solidarité, l’entraide entre ceux qui souffrent de la même manière sont également creusées avec finesse, à hauteur d’enfant. On découvre l’amour et la générosité de la directrice et des éducateurs du foyer (Madame Papineau, Monsieur Paul, Rosy). Et puis la gentillesse et la bienveillance du policier Raymond, dont la voix chaude et rassurante a été confiée au formidable Michel Vuillermoz. Car les voix ont toujours leur importance dans les films d’animation, notre ouïe est toute aussi aiguisée que notre vue. Celle de Courgette doute, celle de Simon est plus assurée. Celle de la tante de Camille grince et celle de Rosy chante.


La musique très bien choisie, rock à souhait détonne parfois mais renforce l’idée d’une forme de violence sous-jacente (Bérurier noir ou Noir Désir). Fort de ses deux prix obtenus au Festival du Film d’Animation d’Annecy (Cristal du long métrage et Prix du Public), MA VIE DE COURGETTE réalise une belle prouesse. Le graphisme, le sens du détail et les couleurs de ce film en stop motion (à l’instar de Wallace et Gromit ou Fantastic Mr Fox) sont réussis. Les yeux qui mangent les visages permettent ainsi d’identifier parfaitement les émotions ressenties par ces personnages attachants, dont on ne doute pas qu’un jour, grâce à la résilience, ils trouveront toujours quelqu’un pour les aimer, parent ou autre.


Par Sylvie-Noëlle, pour Le Blog du Cinéma

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le 19 oct. 2016

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