Ce n’est pas la première collaboration entre Michel Blanc et Patrice Leconte. On devine très vite que le scénario mise énormément sur un des points forts qui avait fait le succès de Viens chez moi, j’habite chez une copine : les dialogues troussés par Michel Blanc. Qui rappellent ceux des Bronzés bien entendu. Il y a une patte “Michel Blanc” dans ces dialogues : ils fusent, ils pètent, ils décorent les échanges entre les personnages.


A l’époque, cette dynamique était très à la mode, semblait tellement moderne. On pouvait déjà y voir une filiation évidente avec le cinéma de Woody Allen, aussi verbeux dans le bon sens du terme, avec cette rondeur et cette percussion incisive qui donnent de la force au film, un vrai moteur. Le personnage joué par Michel Blanc, bousculé par un échec conjugal et des certitudes en brèche, maniant le verbe pour échapper au ridicule des situations dans lesquelles il s’acharne à plonger irrémédiablement, ce gars rappelle le petit new-yorkais à lunettes en pleine crise existentielle, forcément.


On a pu faire de ce rapprochement un reproche à Michel Blanc qui s’est longtemps appuyé sur cette veine, d’autant qu’elle faisait sa popularité, ce qui n’est jamais bon pour la critique primaire. Aujourd’hui, étrangement, elle apparaît comme un jalon important dans sa filmographie, surtout comme une base solide pour définir le rapport affectif qui liait Michel Blanc au public. Débarrassé de tous ces oripeaux critiques, on peut de nos jours retrouver le plaisir simple à voir évoluer un personnage drôle, pas aussi cynique qu’il pourrait le laisser penser de prime abord. On pourrait même trouver touchante cette façade si l’on estimait qu’elle lui servait de moyen de défense pour encaisser les aléas d’un destin contraire.


Et dès lors, on prend son petit plaisir à voir de fait le comédien derrière le personnage, comme il l’habite avec naturel et une certaine forme de générosité, car il faut avoir beaucoup de courage associé à un grand talent pour s’atteler à un rôle pareil. Beaucoup d’auto-dérision, un bel humour, tout à fait en adéquation avec ce qu’il donnait déjà dans la troupe du Splendid. J’aime beaucoup Michel Blanc. Dans ce film, il fait du Michel Blanc, vous l’aurez compris. Et pourtant, canalisé par un scénario pas trop bête, il parvient à lui donner une consistance plutôt réaliste et neuve.


Surtout son duo avec Anémone reste dans un cadre pas trop schématique, stéréotypé. La comédienne est à son diapason : simple et naturelle, très sobre, elle n’est pas non plus dans l’hystérie. Son personnage est également assez gratiné par une vie amoureuse plutôt maladroite.


Et le tour de force scénaristique reste sans doute la façon dont le script évite joyeusement les virages habituels de la comédie romantique. Jouant sur les clichés du genre, l’argument du dénouement est amusant. Pas extraordinaire, mais souriant, un petit pied de nez somme toute sympathique et qui donne au film toute sa singularité.


Alors, bien entendu, on ne se tord pas non plus de rire, il ne s’agit en aucune manière d’une comédie pure, plutôt d’une gentille comédie romantique. Ne pas confondre avec Viens chez moi, j’habite chez une copine ou Marche à l’ombre, des comédies plus mordantes. Ici, l’humour y est plus délicat, un voile léger sur un thème caressant, faisant preuve de beaucoup de délicatesse à l’égard des personnages même si a priori leur portrait initial n’est pas des plus reluisants. Justement, malgré leurs défauts, le scénario s’attache à les décrire avec bienveillance, sans laisser transparaître des jugements qui seraient au fond vains et injustes. C’est en cela une comédie de moeurs pas trop bête, qui se laisse regarder avec une certaine nostalgie, le temps de revoir des comédiens simples et sympathiques.


Captures et trombinoscope

Alligator
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le 15 mai 2017

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Alligator

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