Une histoire conçue à l'origine pour le théâtre. Il faut y être préparé car les personnages évoluent en en huis clos (ou presque) et il y a très peu de temps morts. Tellement peu de temps morts qu'on a l'impression que les personnages basculent d'une émotion à l'autre un peu brusquement.


On a l'impression d'avoir des personnages inconstants :
- Le premier (Colin Farrell) est un valet d'origine modeste, qui rêve d'ascension sociale. Pourtant lorsqu'il a l'opportunité de faire quelque chose qui pourrait changer sa destinée, il se limite lui même, se rabaissant au statut de valet qui lui est si confortable.
-La seconde, Julie, (Jessica Chastain) est une comtesse qui passe pour une manipulatrice froide. Elle joue de son charme et de son statut, mais elle ne sait pas vraiment ce qu'elle veut non plus. D'abord elle rentre dans un rapport de jeu, de séduction, ensuite elle est dégoûté, son amant la répugne, pour ensuite est prête à de nouveau tout abandonner pour lui. Elle refuse catégoriquement qu'un homme la traite en esclave, et pourtant ses actions laissent entendre le contraire.
-Quant au troisième personnage (Samantha Morton), sa conception de la société et son sens des conventions est tellement encrée qu'elle préfère s'isoler car elle ne peut supporter la réalité, la situation qui rentre trop en conflit avec ses principes.


Chacun est dévoré par ses propres démons, et les personnages sont bourrés de contradiction ce qui peut dérouter le spectateur non averti. L'intrigue est uniquement basé sur les sautes d'humeurs imprévisibles des personnages, et le suspense est au rendez vous, puisque jusqu'au dernier moment on ne sait pas vraiment comment l'histoire va finir.
Au fil de l'histoire, on découvre et on essaye de comprendre la psychologie des personnages. Le film devient support à plusieurs réflexions :
- Chacun rêve de ce qu'il ne peut avoir
La comtesse Julie voudrait échapper à son statut : faire la fête, danser avec qui elle veut, se mélanger au peuple, boire de la bière, se rouler par terre, ou embrasser les bottes du servant lorsque cela lui chante.
Les servants eux aussi voidraient échapper à leur statut de leur servant : ils veulent boire de bons vins, rester à l'écart du peuple, et revendiquent des principes d'honneur et de respect qu'on attribue généralement à la noblesse.



  • Le rapport à la mort
    Le valet, qui a déjà cotoyé la mort, tient beaucoup à la vie, alors Julie n'y a jamais été confronté, et est prête à envisager la mort comme une délivrance.


  • Les origines sociales
    Même si chacun essaye de donner une image de soi différente de la réalité, les personnages ne parviennent pas sortir de leurs statuts. Il est très compliqué de s'extirper de son milieu social d'origine (thème intemporel, développée aussi dans le très bon l'Esquive de Kechiche).


  • Le rapport amoureux
    Leur relation amoureuse est rendu quasi-impossible à cause des conventions sociales.
    Ce qu'on voit surtout, c'est des rapports de force, de pouvoir, qui évoluent continuellement au fil de l'histoire. Les différences de statut (servant vs noble), de sexe, d'émotivité, de sincérité sont autant de facteurs qui font que subitement le dominant (le décideur) devient dominé (exécutant), et vice versa.
    Mais dans tout rapport amoureux, si on cherche bien, il y a un rapport de force qui sommeille, que ce soit conscient ou pas.. non ? Le débat est ouvert..


aldanjack
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le 3 sept. 2014

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