Pas sûr que ma critique soit objective. Ayant grandi en regardant en boucle les trois premiers épisodes avec Christopher Reeve, j'ai avec Superman un rapport particulier. "Superman 3" est même le premier film que j'ai été voir au cinéma. Ce n'est clairement pas un chef d'oeuvre mais les effets spéciaux étaient assez impressionnants pour l'époque, l'histoire était sympa, les acteurs (Richard Pryor en tête) plutôt cools et, surtout, la réalisation de Richard Lester ne se prenait pas trop au sérieux. Mais parlons plutôt su sujet qui nous concerne aujourd'hui : le retour cinématographique du plus grand des super héros. Faisant partie des nombreux déçus de la dernière version en date ("Superman returns" de Bryan Singer), je n'avais pas vraiment d'attentes particulières vis-à-vis d'un nouveau film Superman. La bande annonce, sortie près d'un an avant, laissait espérer une relecture réaliste et néanmoins épique de l'histoire du kryptonien. Christoper Nolan à la prod et au script, il y avait matière à espérer que Zack Snyder nous offre une oeuvre aussi ambitieuse visuellement que "300", "Watchmen" ou "Sucker Punch" tout en bénéficiant d'un scénario riche et plus intelligent que la moyenne. Hélas, dès que le film commence, c'est la catastrophe. Si l'idée de présenter la planète Krypton plus en détails que ce qu'on avait pu voir jusqu'à présent au cinéma est plutôt bonne, le style de décors choisi (entre "Star Wars episode 2" et "Thor") est vulgaire, tape-à-l'oeil et ne fait absolument pas rêver. L'intrigue qui voit Russel Crowe (alias Jor-El, ici appelé par son "prénom" Jor, comme si les kryptoniens avaient des prénoms et des noms de famille comme tout humain civilisé qui se respecte, enfin passons) parcourir différents décors moches à dos de monstre, est assez confuse et très peu prenante. La seule bonne idée étant d'avoir fait de Kal-El (le futur Superman) le premier enfant naturel depuis des années dans une société complètement aseptisée. Mais cette idée est piquée aux "Fils de l'homme" (excellent film d'Alfonso Cuaron, auquel Snyder pisque aussi le style caméra à l'épaule qui bouge un peu trop). Après des débats interminables, Kal-El finit par être enfin envoyé vers la Terre et Krypton par exploser, sans que qui que ce soit ait tenté de s'enfuir. Ce ne sera hélas pas la seule incohérence de ce film dont tous les personnages agissent sans aucune logique, mais dans le seul but de faire avancer l'histoire. Nous arrivons ensuite sur Terre où Kal-El (Kal pour les intimes) a bien grandi. Il est maintenant marin pêcheur avec une grosse barbe. Les images, bien que bougeant beaucoup, sont plutôt jolies et on se dit que ça va enfin devenir un vrai film. Mais, à peine quinze secondes se sont passés que voila notre barbu pêcheur torse nu à nager pour aller sauver une plate forme pétrolière avec ses gros muscles. A ce moment là, on se dit, bon, il fallait sans doute préciser aux gens qui l'avaient pas reconnu que c'est Superman et que donc il faut montrer qu'il est super fort d'entrée. Mais ça continue comme ça pendant tout le film. A chaque fois qu'une scène commence de manière un peu intéressante et qu'on se dit qu'on va enfin avoir droit à un minimum d'enjeux ou de psychologie des personnages, il se passe quelque chose qui fait que ça se termine en demonstration d'effets numériques et de bourrinage visuel. Il faut croire que Clark Kent a vraiment la poisse. Quand, enfant, il prend le bus pour aller à l'école, celui-ci tombe d'un pont et se retrouve dans une rivière. Plus tard, alors qu'il est ado, il se balade avec ses parents quand un énorme ouragan leur fonce dessus. Son père adoptif (joué par le regrettable Kevin Costner), qui ne veut pas que son fils dévoile ses pouvoirs au reste du monde, décide d'aller sauver un chien et de rester attendre le cyclone au milieu des voitures, histoire d'être sûr de crever et ainsi de respecter l'histoire originale de Superman. Car, des libertés prises par rapport à la légende officielle, il y en a. A commencer par la fameuse forteresse de la solitude (où Superman vient régulièrement se ressourcer et consulter les informations laissées par son père au sujet de ses origines) qui devient ici un vaisseau spatial abandonné au pole nord des années auparavant et où il peut carrément discuter avec son père, pourtant disparu au début du film avec toute sa planète, souvenez-vous, voire même faire un ping pong si l'envie lui prend, tant il a l'air de pouvoir tout faire aussi bien qu'un être vivant). Mais le pompon revient à la relation avec Loïs Lane (Amy Adams, excellente actrice dans les autres films mais là non). En effet, dans la BD, les séries et toutes les adaptations jusqu'ici, Clark et Loïs se rencontrent au journal où ils travaillent et leur amitié se crée petit à petit, avant que, bien plus tard, Loïs ne découvre que Clark est Superman. Ici, elle sait tout dès le début. Clark, malgré ce que lui disait son père, n'a pas pensé une seconde à cacher sa véritable identité et, tombe amoureux en 2 secondes. Coup de bol, elle aussi et hop l'affaire est dans le sac, sans qu'on ait trop compris pourquoi. Passons maintenant au méchant : Zod. S'il est vrai que c'est un méchant important de la mythologie Superman, c'était vraiment pas la meilleure idée pour ancrer le film dans le réalisme. Et même si Michael Shannon est un bon acteur, il n'a pas d'autre choix que d'en faire des tonnes. Et pourtant, les éléments pour faire de Zod un méchant ambigu étaient là. A la base, sa révolte contre les hautes instances de Krypton semble compréhensible et sa haine de la famille El (oui, tant qu'à faire, appelons les comme ça) parait logique. Mais pourquoi en faire un tel débile? Pourquoi, s'il veut que son plan (pour recréer Krypton sur Terre) fonctionne, ne fait-il pas en sorte qu'on le prenne pour autre chose qu'un méchant très méchant. Il aurait pu essayer de corrompre quelques humains ou se faire passer pour une victime (à l'instar de John Harrison dans le dernier Star Trek). Mais non. A partir du moment où il arrive sur Terre, ce n'est plus que bagarres dans les airs, explosions de gratte-ciels et de bâtiments en tous genres (on peut même saluer le talent de Superman pour tout détruire, y compris une centrale nucléaire, alors qu'il est censé sauver des vies, enfin moi j'dis ça...). L'armée américaine intervient et là, on se retrouve dans un mélange de Transformers, de Avengers et de Matrix revolutions (le combat entre Superman et des espèces de tentacules robots qui sortent d'on ne sait où). Le tout pendant au moins 45 minutes quasi-ininterrompues. Et bien sûr, pendant ce temps, on s'en fout. Aucun personnage ne nous ayant été présenté de manière intéressante, pourquoi nous inquiéterons nous pour eux? On en arrive même à se demander pourquoi Superman décide-t-il de sauver les humains plutôt que faire revivre son peuple, alors que tous les humains qu'il rencontre dans ce film sont complètement décérébrés. Comme dans tout film de ce genre un peu raté, on passe donc les dernières minutes à espérer que le méchant gagne ou qu'il meure au plus vite, histoire qu'on passe à autre chose et que ses p*****ns d'explosions s'arrêtent. Malheureusement, ça dure et ça dure, avec de plus en plus de références patriotiques au fur et à mesure que les dégâts sont conséquents. Je ne m'attarderai pas non plus sur les très lourdes références christiques (le petit passage chez le curé avant de partir au combat, l'insistance sur le rôlé d'élu et sur l'age de notre héros, 33 comme l'autre).
Ce n'est qu'à la dernière minute qu'on aura droit à la meilleure scène du film, celle où Clark enfile enfin ses lunettes de binoclard (parce qu'évidemment personne ne peut reconnaitre Superman derrière des montures non correctives de hipster) et se fait engager au Daily Planet. On lui présente Loïs qui, d'un air complice, lui assène cette magnifique réplique à double sens "Welcome to the Planet".
Entre le début et la fin, le film aura donc pillé dans tout le cinéma hollywoodien de ces dernières années (de Spielberg à Terrence Malick) sans jamais réussir à rendre son histoire intéressante.
Bref, tout comme avec "The Amazing Spider-Man" ou "Total recall', on vient de se faire avoir par ce qu'Hollywood appelle désormais un "reboot", c'est à dire une nouvelle version, souvent plus bourrine (donc moins artistique, moins intelligente et sans le moindre second degré) d'une oeuvre culte. Ayant vu de nombreuses critiques positives sur ce truc que j'appellerai une bouse, je me dis que c'est peut-être mon côté nostalgique qui me rend si aigri. mais je fais le pari que tous ces effets spéciaux, qui sont, avouons le, le seul truc à peu près réussi dans ce film, vieilliront très très mal. Ceux du "Superman" de 1978 ont certes vieilli mais ils gardent le charme du travail bien fait, du bricolage visuel et des effets mécaniques. Ils sont surtout au service d'une histoire nettement plus travaillée et d'une réalisation beaucoup plus inspirée. Il semblerait que Nolan n'ait pas vraiment apprécié le résultat (il y a fort à parier que les bonnes idées de son script n'aient pas été gardées au montage final) puisqu'il a refusé de produire et d'écrire la suite, qui se fera apparemment sans lui.
Je terminerai sur une note positive. Il faut bien reconnaitre que ce Superman est quand même moins mauvais que le "Superman 4" de Sydney J.Furie (1987) mais celui là avait l'excuse d'avoir un tout petit budget. A part ça, ce "Man of Steel" n'est même pas à la hauteur d'un épisode de Smallville.
Meuk-Meuk
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le 30 juin 2013

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