Le cinéma de Cronenberg est l'un des plus protéiformes qui soit...Dans le même laps de temps, il peut nous pondre A dangerous method et Cosmopolis, alors il n'était pas facile de deviner quelle direction il allait prendre pour ce nouvel opus...

Sa marque est pourtant là, dès les premières images, avec une Mia Wasikowska très marquée physiquement dans son rôle d'Agatha Weiss. L'intérêt qu'il a toujours montré pour le corps, qui est pour lui synonyme de vie humaine, est là, dans le visage brûlé d'Agatha, dans ses longs gants noirs dont on devine qu'il ne s'agit pas d'un simple accessoire de mode...Son intérêt pour la transformation des corps aussi, dont l'altération est très souvent le fruit d'une ultra-violence.

Voici l'histoire d'une constellation, familiale et professionnelle . Pour le niveau familial, il y a un fils, au physique très ambigu, mi-adulte, mi-ado, ce Benjie, star adulée par des fans pour une série adolescente (au hasard, genre twilight, genre Robert Pattinson), essoré déjà, et qui sort de rehab à seulement 13 ans. Il est d'un cynisme et d'une noirceur absolus au début du film, en rendant par exemple visite à l'hôpital une jeune fille malade pour des besoins de public relations, mais qui se trompe sur la maladie même de la fillette : "Comment avez-vous attrapé le sida ?" "Euh, je n'ai pas le sida, j'ai un lymphome non hodgkinien"... La mère , Cristina, une sorte de Matrice à la sauce alien, couvant son petit déraisonnablement, et pour des raisons qui vont s'avérer pas toujours avouables. Et le père, Le dr Stattford, obnibulé par son business de gourou/charlatan et par la sortie d'un nouveau livre, un gourou tellement fake qu'il lui arrive de se regarder en boucle pérorer sur des dvd pendant qu'il prend son bain. Un homme déconnecté de toute réalité...Des freaks sur pattes, narcissiques, névrosés/ psychotiques...

Puis il y a Agatha, mystérieuse jeune fille, dont on découvrira assez vite les liens avec les Weiss, une jeune fille que tout indique comme coupable et folle, mais qui finalement s'avère peut-être être une victime pas si folle, compte tenu du milieu ambiant.

Côté professionnels d'Hollywood, Julianne Moore, récompensée à Cannes pour ce rôle, dans le rôle d'une actrice vieillissante (répondant au doux nom d' Havana Segrand), hystérique , angoissée par une éventuelle mort cinématographique, une disparition pure et simple des radars d'Hollywood. Même pas décatie, et déjà cadavérique. Atteinte au plus haut degré, bassesses et égotisme en tous genres, victime d'inceste maternel, ou pas, incapable de se démarquer de cette figure tutélaire, jusqu'à vouloir rejouer le rôle de sa mère décédée (Dans un incendie, tiens, tiens) dans un remake d'un film ayant rendu ladite mère célèbre.

Stattford est le gourou d'Havana, qui a le même agent que Benjie et emploie Agatha comme Assistante Personnelle ("Chore whore" comme on dit vulgairement à Hollywood, que je traduirais approximativement par putain d'esclave). Bref, This is Hollywood, tout le monde connaît tout le monde, mais personne ne connaît vraiment personne...

Le film n'est pas qu'une charge contre Hollywood. La présence de nombreux enfants dans le film, le plus souvent, décédés dans de circonstances plus ou moins... cronenbegiennes, montre le souci du réalisateur de vouloir mettre en exergue la pression monstrueuse qu'il y a sur les enfants, et un peu tout le monde d'ailleurs, en témoigne le personnage d'Havana, dans cette usine à rêves.
C'est plus globalement une réflexion sur notre société insatiable, qui veut toujours plus de tout, en totale déréliction.
Les arguments de thriller dans le scenario (des secrets qui sont en fait assez vite dévoilés dans le film) ne sont là que pour habiller cette réflexion qu'il a déjà entamée dans Cosmopolis. Avec en points communs entre ces deux films : cette limousine et son occupant Robert Pattinson, comme témoin isolé et protégé de cette folie ambiante.

On retrouve le Cronenberg qui affectionne le fantastique, voire le fantasmatique dans un format résolument moderne. Et c'est pour cela que ce scary movie est si jouissif...
Bea_Dls
9
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le 4 juin 2014

Critique lue 202 fois

Bea Dls

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