L'homme derrière les dreadlocks

Marley, pour moi, c'était avant tout une image. Une image où on le voyait micro à la main, les dreadlocks au vent, la sueur perlant sur son front, les yeux plissés comme s'il était en transe. C'est l'homme qui m'avait fait connaitre la Jamaïque, cette île des Caraïbes cernée par Cuba et l'Amérique, bien avant l'excellente comédie Rasta Rockett. Je ne me suis jamais vraiment intéressé à l'homme, juste au symbole comme pour Che Guevara...

... jusqu'au jour où je suis tombé sur un article dans So Foot (oui, le mag de foot) faisant l'étalage sur sa passion du football. J'ai été totalement emballé lorsque j'ai appris que Kevin McDonald, cinéaste écossais auteur d'un excellent Le Dernier roi d'Écosse sur le dictateur Idi Amin Dada, allait s'attacher au mythe Marley. Au mot « documentaire », mon excitation a atteint son dernier stade car je ne trouve pas meilleur support pour parler de ces hommes devenus des légendes. Les biopics ayant la fâcheuse tendance à amoindrir leur sujet et puis bon, un acteur aussi talentueux soit-il ne pourra jamais remplacer l'original.

L'année dernière, on avait eu droit au magnifique Senna presque formaté comme un thriller sur une lutte épique entre Senna et Prost sur base d'images d'archives sans une once d'interview. Pour Marley, Kevin McDonald emploie un style plus traditionnel à base de mélange d'interviews et d'images d'archives. Sa plus grande force concerne les concerts qui emploient un montage rythmé et sublime de photos sur la musique de Bob Marley. Des moments d'anthologies marquant davantage que n'importe quel concert reproduit dans un biopic. Quel dommage que les gens soient davantage attirés par les biopics qu'un vrai et pur documentaire surtout quand il est aussi bien mis en scène que celui-ci.

Par deux fois, les larmes ont coulés. La première durant la chanson Cornerstone, cette chanson marquait une des traumatismes de la vie de Marley mais lors de l'interview de la demi-sœur et du cousin de Bob Marley, ils évoquent ce passage avec une certaine émotion et la sœur nous bouleverse en parlant de son demi-frère « comme celui qui avait fait découvrir le nom des Marley au monde entier ». Difficile de ne pas vibrer.

La deuxième fois surviendra après sa mort lors d'une impressionnante scène de funérailles rappelant celle de la légende du Grand Prix, Ayrton Senna. Quand un documentaire est capable de vous saisir au plus profond de votre cœur et de vous émouvoir, c'est que quelque chose se passe à l'écran.

Le plus grand génie de Kevin McDonald est de présenter Bob Marley comme l'homme qu'il était en essayant de gratter derrière le mythe, en faisant étalage de ses défauts (coureur de jupons, père absent) mais cette découverte est loin d'écorner l'image du rasta. Elle fait de lui un homme et rend encore plus belles ses prouesses car Bob Marley était un homme d'amour et cet amour, il l'a déversé au monde entier. Surtout avant de devenir un symbole, il était un métis, n'appartenant ni aux blancs, ni aux noirs, il a souffert d'une solitude. Cette souffrance, en plus de son enfance difficile à Trench Town, lui a permis de devenir l'homme qu'il est. Une des scènes les plus marquantes du documentaire demeure le concert pour la paix en Jamaïque.

Kevin McDonald avait avoué avoir eu un déclic sur le tournage du Dernier roi d'Ecosse en se rendant dans les bidonvilles de Kampala, la capitale ougandaise. Il s'était rendu compte de l'amplitude du phénomène Bob Marley. On retrouve cette inspiration dans le générique final. L'un des passages les plus marquants est la venue de Marley en Afrique pour une de ses chansons les plus célèbres, Zimbabwe. On se rend alors compte qu'il était davantage qu'un simple chanteur de Reggae, un fumeur de joints et a eu un fort impact dans le monde.

Fort d'un travail monstrueux, 14 mois pour retrouver la trace des personnes à interroger et obtenir leur consentement pour un total d'environ une centaine de participants. Kevin McDonald n'oublie rien et durant l'espace de deux heures et demie nous fait découvrir Marley de ses débuts jusqu'à la fin en partant sur un point de départ ingénieux permettant de mieux comprendre l'environnement social de Marley. Un travail monstrueux largement récompensé par le résultat à l'écran servi par une bande son magnifique (on s'en doutait bien). Pour un néophyte comme moi, ce fut deux heures et demie de pur plaisir et de découvertes, deux heures et demies à découvrir l'idole de plus d'une génération. Un homme devenu bien plus...
Marvelll
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le 14 juin 2012

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