Lars von Triste avait voulu faire son film catastrophe, il a fait un film carastrophique.
Ça m'apprendra à rompre une promesse faite à moi-même, tiens!
Je m'étais juré, après Dogville et sa fin honteusement manipulatoire, de ne plus jamais aller voir un film de Lars von Triste. Et voilà, un moment d'inattention, et j'ai craqué. Je suis allé voir Melancholia.
Première remarque : le problème n'est plus le même qu'avec Dogville. Là où ce dernier utilisait des techniques certes malhonnêtes mais malines pour placer le spectateur sur des rails émotionnels et l'amener à adhérer à sa thèse de la nature foncièrement mauvaise de l'humanité (comme si l'humanité avait une nature, bonne, nouvelle ou rose à pois bleue... mais bref), Melancholia n'a gardé que la malhonnêteté.
Cette remarque liminaire posée, parlons du film catastrophique de von Triste plus en détail - mais pas trop sinon je sens que je vais encore m'énerver. Tout commence par un enchainement d'images au ralenti (au RALENTI!), léchées comme des publicités de parfum, dont le lyrisme pompier se marie on ne peut mieux avec la soupe wagnérienne qui nous accompagnera les esgourdes tout le long de la chose. On enchaine avec une resucée sans talent de l'excellent Festen, où von Triste laisse des acteurs géniaux se démerder avec les dialogues débiles qu’ânonnent les archétypes caricaturaux qui leur tiennent de rôle. La souffrance éprouvée devant le spectacle de l'immense John Hurt tentant de ne pas surjouer le père absent, alors qu'on voit bien, à l'écoute de ses répliques, le la tâche est hors de portée même de son talent! Rien que pour ça ce film devrait mériter le Knout à von Triste.
Hélas, ce n'est certes pas la seule raison de détester ce film. D'abord - c'est la moindre des raisons, quoique... - cet infini crétin confond mélancolie (dont on sait depuis le Problème XXX attribué à Aristote que c'est un sentiment condition préalable au génie) et dépression (affection dont souffre le personnage de Kirsten Dunst, et quui n'est jamais qu'une forme moderne et pauvre d'anomie.
Ensuite, c'est d'un film à thèse dont il est question. La thèse se laisse exprimer avec moins d’ambiguïté en VO anglaise qu'en français: "Life is evil", soit la vie, en tant que phénomène biologique, comme mal moral. C'est aussi con que de pester sur l'amoralité de la couleur bleue.
A ce sujet, comment sait-on que c'est la thèse de von Triste? Après tout, ce n'est qu'un personnage (celui de Kirsten Dunst, la supposée mélancolique) qui le dit. Eh! bien, on le sait parce que von Triste utilise une technique simple et fine pour nous faire comprendre qu'elle sait DES CHOSES! Pour asseoir ses dires auprès de sa sœur plus encline à ce que von Triste nous explique être la naïveté, elle donne le nombre de machins dans un vase, nombre qu'on devine exact et qu'elle ne peut pas savoir autrement que parce que sa folie lui donne des antennes (eh! oui, les fous savent DES CHOSES, c'est comme ça. Ou en tout cas c'est comme ça dès que des cinéastes lourdauds entreprennent de les représenter). Bref, il a déjà un argument de science-fiction, il faut en plus qu'il balourdise en nous collant un ressors de mauvais film fantastique.
Et notre anti-naïve de dépressive, euh, de mélancolique de se moquer de sa sœur qui, malgré le fait terrible que la vie est un mal moral, évoque encore l'idée de changer leur dernier moment en bon moment... pour finalement se mettre en quatre, dans une explosion sirupeuse lamentable, pour faire passer la pilule de la fin de la terre à un putain de mioche!
Tiens, au fait, pour ceux qui s'expliquent mal sa provocation sur Hitler au festival de Cannes: elle devient bien plus clair quand on remarque que Lars von Triste avait tenté d'y aller de sa petite provocation dans ce film pitoyable, pendant la scène des ballons en papier, et que personne (aucun critique professionnel, en tout cas) n'avait alors rien relevé, tout occupés qu'ils étaient à se demander comment écrire un article élogieux pour parler du machin.
Voilà, von Triste avait voulu faire un film catastrophe, il a fait un film catastrophique. En ce sens - et en ce sens seulement - c'est une espèce de réussite.
Pour conclure, je citerais un ami, qui, pressé d'aller voir cette daube, avait eu la présence d'esprit de rétorquer simplement "je vais pas payer pour assister à la psychothérapie de Lars von Trier". J'aurais aimé avoir eu son à-propos, les yeux me brûlent encore d'avoir vu cette daube immonde.