Millénium : la lumière est faite
Après une première version, téléfilmée suédoise, l'intérêt d'une nouvelle adaptation à l'écran du best-seller de Stieg Larsson avait de quoi laisser sceptique, hormis dans une logique commerciale pour un public "mainstream" américain rejetant les long-métrages étrangers et exotiques.
Mais David Fincher réussit là une très belle adaptation du roman (du moins du premier de la trilogie) tout en l'intégrant bien dans sa propre filmographie.
Depuis le succès posthume planétaire de son oeuvre, les personnages du journaliste Mikael Blomkvist, de l'enquêteuse-hackeuse punk Lisbeth Salander et des sombres secrets croupissant sur l'île de la famille Vanger (métaphore à peine dissimulée des rapports complexes entre la Suède et son passé), sont devenus des classiques de la culture populaire mondiale. Mais si le roman de Stieg Larsson a pu marquer par la force de ses héros et son intrigue politico-policière et financière, il pouvait également égarer par la complexité de ses ramifications.
A l'inverse, David Fincher parvient à redonner à l'ensemble une parfaite lisibilité, emboîtant les différents niveaux de l'enquête pour lui redonner une cohérence lumineuse. Et toute l'ironie d'une enquête menée autour de la disparition d'une jeune fille que tout le monde pense avoir été assassinée - et qui ne l'est pas - qui aboutit à la révélation d'un serial killer (et même de père en fils) de filles, elles bien assassinées et torturées, mais qui n'intéressaient plus personne...
Seul bémol : le choix d'avoir fait de la Harriet réfugiée en Australie une banquière londonienne planquée sous l'identité de sa cousine n'apporte rien, sinon, pour le coup, un peu de confusion.
Bon choix également, que celui du casting. Si George Clooney ou Brad Pitt - ais-je cru comprendre - avaient pu être imaginés, Daniel Craig, moins "people" et médiatique, permet une bien meilleure identification au journaliste suédois. Et son impassibilité froide correspond bien au caractère du héros. Et, comme lors de la précédente adaptation, Lisbeth Salander bouffe encore pleinement l'écran. Rooney Mara (déjà aperçue dans le précédent film de Fincher, The Social Network), au prix d'un travail impressionnant, restitue parfaitement le personnage à la fois inflexible et fragile, désaxée et vaguement autiste, mais aussi brillante et solide de Lisbeth Salander.
Surtout, et dès son générique envoûtant et suitant, David Fincher maîtrise cet univers glacial et se le réapproprie fort bien, pour l'inscrire au sein de sa filmographie, comme un prolongement nordique à son Zodiac californien, voire, par certaines sophistications sadiques, à son magistral Seven.
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