Vu en salle deux autres films de la cinéaste Lina Wertmüller et je confirme que c’est vraiment une belle découverte.
En trois films, Mimi métallo blessé dans son honneur, Un Film d'amour et d'anarchie et Chacun à son poste et rien ne va, trois films d’une grandes cohérence et où l’on ressent une identité forte derrière la caméra. Un style très personnel et affirmé, en constante évolution en fonction du récit mais en conservant une marque de fabrique parfaitement reconnaissable. Une bande d’acteurs qui revient de film en film. Mais également un discours récurrent très fort sur la société italienne.
Trois films construits sur un même mouvement de départ en trois phases et qui prend la forme d’un exode rural. L’exode de jeunes qui quittent la campagne (de Sicile) pour s’installer en ville, respectivement Turin, Rome et Milan.
Ce mouvement est entrepris pour deux raisons principales : sortir du trou et connaitre le monde, et prendre un nouveau départ et renaître en temps qu’homme.
La deuxième phase s’est la confrontation à ce nouvel univers. Les jeunes hommes sont rapidement déboussolés et perdus dans le dédale urbain, faisant face à des règles qu’ils tentent de comprendre et de respecter plus ou moins bien.
Enfin ils font la rencontre d’une ou de femmes qui vont leur permettre de s’intégrer à ce mode de vie.
Ce mouvement d’exode va se doubler d’un mouvement politique et d’une envie de bousculer le système et de lutter contre les inégalités sociales.
Au fond les films de Wertmüller racontent toujours la même chose, l’impossibilité d’aimer, l’impossibilité de changer le monde et d’aller au bout de ses idéaux, et donc au final, l’impossibilité de s’accomplir en temps qu’homme. Tous les gestes amorcés sont des échecs.
Finalement, derrière toute l’outrance, le baroque, l’humour des situations, ce sont des films profondément noirs et pessimistes sur la société italienne. On ne voit guère d’espoir à long terme dans ces films, les horizons sont bouchés et les prises de liberté, qui sont malgré tout nombreuses, se jouent sur un très petit périmètre. A ce titre, l’une des forces majeures du cinéma de Wertmüller réside dans l’opposition spatiale des lieux. Des lieux clos qui sont le théâtre d’un monde entier où l’on vit libéré en vase clos et en communauté. C’est par exemple un appartement dans chacun son poste… ou un bordel dans Un film d’amour et d’anarchie. Ici on vit, on discute, on baise, dans une atmosphère hystérique, amplifiée ou contrasté par un décorum baroque et un peu écrasant.
Et des espaces immenses et déserts où l’on est prisonnier : des places, des rues, des chantiers, des entrepôts, où la cinéaste compose ses cadres de façon très architecturée et signale la désertification et la déshumanisation grandissante. Prisonnier dans le vide et le grand espace et libre dans une boite à chaussures.
Les villes chez la cinéaste, parfaitement filmées, sont toujours voilées par une épaisse brume et une grisaille qui contraste avec les tonalités jaunes et ensoleillés du sud, et témoignent dans la profonde incertitude qu’émet la cinéaste sur l’avenir. C’est également ce qui est très fort et d’une certaine manière assez émouvant dans son cinéma. Une grande prise de liberté, une envie de bousculer les codes, de provoquer, un côté anarchiste, mais qui ne sont jamais suffisants pour masquer la peur d’un sentiment d’impuissance.
Teklow13
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le 28 juin 2013

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