Mind Game
7.7
Mind Game

Long-métrage d'animation de Masaaki Yuasa et Koji Morimoto (2004)

L'hémorragie de tes désirs s'est émancipée par l'illusoire précarité de cet horizon noir et cétacé

Pour écouter avec les oreilles des yeux en lisant ce texte avec ta tête. Et vice et versa.


Orgie de couleurs, de lumières, montage clipesque qui cligne et qui cogne à m'en faire claquer les dents alterne violemment avec cette scène d'Izakaya en tension constante et cassante. Entre prises réelles à priser vaguement animées et lignes tremblantes et brouillonnes en animation plus traditionnelle, impressions floues.
Beau, moche, boche ? De mon (bon) goût je ne répond plus.
Ne reste que des goûts ?


Une balle dans le boule, Nishi le prosterné se voit à posteriori bien embêté du morceau de plomb qui fondamentalement détruisit les fondements de son existence bien rangée. Implore le dieu farceur aux mille-visages lors d'un voyage entre ciel éther aux frontières du réel, jeu comique improbable.
Le voilà reparti sur terre au moment fatal, serre les fesses sur l'engin létal et abat le pauvre hère, brutal pour enchaîner sur une course-poursuite bancale finissant dans le ventre d'un presque-narval.
Pas banal ?


Outre l'aspect graphique proprement hallucinant et déroutant pour le néophyte de passage dans ce recoin obscur de l'animation, notons la logique qui pointe aux abonnés absents, dans la longue file des chercheurs à l'ANPE derrière le bon goût et talonnée bientôt par la trame narrative qui devient incompréhensible.
Aller !
Retour à la case départ avant de t'emmener dans le ventre d'une baleine, on repasse par la scène de l'Izakaya et la jeune fille à la poitrine opulente qui court pour attraper son tram en se coinçant la cheville, prise dans la porte devant un Nishi enjoué de la trouver étalée devant lui, objet de tous ses fantasmes. Les mafieux loupent le tir, les amants d'un jour manqué se retrouvent le temps d'évoquer les souvenirs mais la donze est mariée.


Occasion ratée.
Fallait pas vivre dans l'attente, prostré entre tes jeux et ta chambre, tes non-dits et tes rêves qui te tiennent lieu de réalité, vivant en cage malgré la liberté à portée de main.


Appuyer sur bouton reset et tout recommencer. La balle qui déchire tes entrailles éviscère vers ça.


Coursé par des yakuzas-footeux qui te tapent des pointes à pied à 120 lors d'une séquence barrée qui termine dans le ventre d'une baleine, pour y croiser un Jonas infantile, vieillard sénile qui s'improvise Robinson dans sa caverne de Platon, anachorète coupé d'une réalité qu'il ne perçoit qu'à travers l'ombre projetée d'une radio.


Ah mer des illusions, le monde n'est pas encore ce gloubi-boulga futuriste qu'il imagine, il est tout aussi féroce qu'avant et rejette les rêves et les espoirs qui vivent un temps dans le cétacé hospitalier qui subvient à tous leurs besoins mais leur interdit la sortie.


On touche ici au meilleur passage de Mind Game, loin d'être le trip bêtifiant qu'on pourrait y voir, qui nous offre un visuel hallucinant de couleurs, dégoulinant d'inventivité en contraste avec l'obscurité des lieux. Espèces rares, plate-formes suspendues entre ciel et mer, monstre du Loch-Ness, joyeux bazar.
Un instant vivent les rêves et l'on touche le bonheur, aussi fragile qu'illusoire à l'image des histoires drolatiques qui sortent de l'imaginaire de Nishi, de ces danses démentes de Yan.


Sensoriel et visuel, d'une sensualité presque irréel quand on pousse au cul entre Myon et notre héros comblé l'espace d'un moment qui explose et dégouline de couleurs. L'instant autarcique doit cesser et la sortie de la baleine se faire.


Que la gestation ait duré trente ans ou neuf mois, la seconde naissance se déroule dans la douleur et l'effort, sortie de la matrice pour renaître harder, better, faster, stronger et tout recommencer à nouveau. Roulements de tambours, claquements de cymbales, tout s'emballe.


Cycle sans fin, mind game entêtant qui plonge dans l'absurdité pour mieux nous faire risette, reset salvateur qui nous permet d'explorer le champ de nos possibles.


Finalement, le bonheur est à deux doigts de tes pieds. Et que la simplicité réside dans la courbe bleue, jaune, mauve et insoupçonnée de nos rêveries mauves et bleues et jaunes et pourpres et paraboliques.

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le 1 août 2015

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Petitbarbu

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