Depuis quelques années,Woody Allen,qui refusait jusqu'alors de poser un pied hors de Manhattan,s'est mis à tourner dans les grandes villes européennes.Peut-être qu'à force de s'entendre dire qu'il est plus apprécié en Europe que dans son pays il a voulu se rapprocher de son public.Donc,après Londres et Barcelone,et avant Rome,le Allen Tour fait escale dans notre belle capitale.Certains ont parlé de francophilie à propos de ce film mais il s'agit plutôt de parisianisme.Woody est un indécrottable citadin qui a toujours vécu à New York et la seule campagne qu'il connaisse est Central Park.Il se concentre donc sur la "Ville-Lumière",dont il ne présente ici que les beaux quartiers."Minuit à Paris" est une carte postale qui ne nous épargne aucun cliché:la Tour Eiffel,l'Arc de Triomphe,l'Opéra,le Panthéon,les Invalides,Notre-Dame,les quais de Seine,le Louvre et tutti quanti.Probablement de quoi épater les américains mais les français savent bien que la réalité est légèrement différente.Paris est une ville de merde,surpeuplée,sale,puante,polluée et dangereuse.Evidemment,Allen se garde bien d'aller filmer les arrondissements périphériques aux immeubles insalubres et délabrés couverts de tags,vivant au son des sirènes de police et des klaxons furieux,ni les SDF dormant dans des cartons.Son Paris est celui de la Place des Vosges,de la Place Vendôme et des Champs-Elysées,le pré carré de la mafia friquée cosmopolite qui vit dans un luxe indécent et se balade de boutiques de luxe en palaces et de restaurants étoilés en dîners mondains.Nulle trace dans le film de la foule grouillante qui envahit les trottoirs,mélange de touristes en troupeau et de connards d'indigènes agressifs et stressés,ni de la circulation automobile démentielle qui permet de faire deux kilomètres en trente minutes et transforme la ville en fumoir à ciel ouvert.Rien de tout ceci dans le Paris allennien où tout n'est que luxe,calme et volupté.Les personnages évoluent dans des endroits fréquentés par de rares passants,tranquilles,bien vêtus et propres sur eux,et on ne voit pas plus de bagnoles que dans les rues de Tillay-le-Péneux.Il est vrai que Woody a su pour l'occasion copiner avec Nicolas Sarkozy,alors président,allant même jusqu'à embaucher Carla Bruni,obtenant ainsi avec facilité toutes les autorisations nécessaires et une solide sécurisation du tournage.Il ne devait pas manquer de CRS pour contenir hors du cadre de la caméra de notre ashkénaze préféré les hordes de croquants sans-dents qui gravitaient aux alentours.Imaginez que ces abrutis aient voulu faire des selfies avec Carlita ou lui mettre la main au cul,quelle horreur!Signalons également la présence de Léa Seydoux,autre princesse de sang capitaliste.Mais parlons maintenant de l'histoire.Un jeune écrivain californien vient en vacances à Paris avec sa fiancée et ses futurs beaux-parents,mais l'ambiance est moyenne.Le type est assez simple,plutôt gaucho,épris de littérature,et ne s'entend pas trop avec sa belle-famille de riches ploucs républicains.D'autre part,il fantasme à mort sur le Paris des Années Folles et quand il va se promener seul vers minuit,il se retrouve téléporté à cette époque.Comment c'est possible?C'est un film fantastique,voilà tout,et puis il s'en fout,Woody,il fait ce qu'il veut.Donc,Gil Pender,c'est son nom,est propulsé dans les années 20 et se met à fréquenter le gotha artistique du moment,toutes ces idoles qui le faisaient rêver.Et puis quoi?Et puis rien.Il n'y a pas de scénario,pas de dialogues,un comble chez Allen,le film se réduit au spectacle d'Owen Wilson,acteur pourtant capable d'habitude,qui trimballe constamment un air ahuri et s'extasie chaque fois qu'il croise une célébrité.On assiste à un interminable exercice de name droping qui fait défiler le Tout-Paris des Arts de l'Entre-Deux-Guerres.Ils sont venus,ils sont tous là:Scott et Zelda Fitzgerald,Cole Porter,Joséphine Baker,Picasso,Gertrud Stein,Matisse,Man Ray,Bunuel,et même le torero Belmonte.Là,il aurait dû faire gaffe,Woody,son fan-club d'intellos de gauche déteste la corrida.Le pire est que tous ces illustres personnages ne sont nullement exploités.Ils passent en vitesse devant la caméra,on entend "tiens,voilà Machin","tiens,voilà Truc",et ils disparaissent aussi sec.Et lorsqu'on creuse un peu plus,c'est la cata,comme en témoignent les scènes présentant Hemingway et Dali,dont on fait des caricatures ambulantes,des marionnettes grandiloquentes,dans le genre baroudeur viril pour l'écrivain,dans le style allumé concernant le peintre,ridiculement interprété par ce pauvre Adrien Brody,en mode "Chocolat Lanvin",qui prononce le mot "rhinocéros" quatre fois par phrase.Notons que tous ces artistes sont des étrangers,manière sans doute de suggérer que ce qu'on a un peu vite qualifié de génie français n'est en fait dû qu'à l'importation de talents que la France aurait bien été en peine de produire elle-même.Ah si,il y a une petite couturière bordelaise qui sert de vide-couilles à tout ce que le monde artistique compte de bites en état de marche.Il nous reste au moins ça,l'art de la tringlette horizontale.Ca et la gnôle,car ces braves gens passent leurs nuits dans des fêtes où l'on danse et se saoûle la gueule.C'est une conception curieuse de la francophilie,mais c'est celle de Woody Allen.Que sauver de ce naufrage,au final?Le sex-appeal de Rachel Mc Adams,dont on se demande comment Wilson peut lui préférer Marion Cotillard.Le personnage de l'ami hyper-cultivé qui sait tout,ou croit tout savoir,et à qui on essaie de river son clou,à rapprocher du pédant étalant sa science lors de la scène de la file d'attente devant le cinéma de "Annie Hall" dans laquelle Mc Luhan vient remettre les pendules à l'heure.Et une pertinente réflexion sur la propension de certains à imaginer qu'ils auraient eu une vie meilleure à une époque passée,ce qui n'est que le reflet de l'insatisfaction éprouvée dans leur existence réelle.

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le 19 déc. 2015

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