Autant l'annoncer tout de suite : « Minuit à Paris » est la libre adaptation cinématographique de « Paris est une fête », ouvrage écrit par Ernest Hemingway. Au matériau d'origine, dont Woody Allen ne reprend que l'esprit et certains personnages, le réalisateur greffe ses thèmes de prédilection. Ce film est donc composite, tournant autour de deux grandes sensibilités : celle d'Hemingway et celle d'Allen. Et pour tout dire, seuls les passages inspirés par Hem' valent le coup, car pour le reste on a toujours le droit aux mêmes personnages névrosés, à cette figure conflictuelle du couple, à l'infantilité du personnage principal, anti-héros tout ce qu'il y a de plus « allenien », et tout ce qu'il y a de plus horripilant, à cette conception rabougrie de la vie qui me déplaît tant chez ce cinéaste pleurnichard. Si par contre on s'attarde sur ces passages fantasmés, sur ces moments ou l'écrivain joué par Owen Wilson s'aventure dans le Paris de l'entre-deux-guerres, on ne peut qu'être séduit par ces personnages hauts en couleur, et surtout brillamment brossés en quelques traits bien sentis. Adrian Brody en Dali vaut son pesant de cacahuètes, et si je dois bien reconnaître un seul mérite à Woody Allen, c'est de faire revivre avec talent ces personnalités d'alors, l'espace de quelques minutes, à l'image de cet Hemingway qui déclame ses tirades bravaches, droit dans les yeux du héros, comme si sa vie en dépendait, avec son style littéraire si particulier (ce fameux enchaînement de « et » dans ses phrases à rallonge). Gertrude Stein est bien jouée, tout comme Fitzgerald et sa femme Zelda. Et on finit même par se sentir galvanisé, porté par cette énergie créatrice, qui émane avant tout de l'ouvrage génial d'Hemingway. Car il faut bien le dire, « Paris est une fête » est si réjouissant et si puissant dans sa simplicité joyeuse qu'il peut bien donner lieu à des dizaines de films sans que l'on puisse épuiser sa force originelle ! Mais il faut aussi concéder à Woody Allen l'humour avec lequel il redonne vie aux personnages de l'époque. Pour le reste, passés ces moments, on retombe dans du Woody Allen tout ce qu'il y a de plus convenu : une mise en scène flasque, des problématiques d'adulescents, des enjeux maigrelets, une portée extrêmement limitée. Avec une dernière concession : le Paris d'aujourd'hui qui est filmé, même arrangé et grimé, est décidément d'une beauté… Peut-être l'un des meilleurs Allen, ce qui en fait un film moyen, mais agréable tout de même.


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2011

Créée

le 6 févr. 2016

Critique lue 614 fois

5 j'aime

2 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 614 fois

5
2

D'autres avis sur Minuit à Paris

Minuit à Paris
Aurea
6

Paris ne vaut pas qu'une messe!

Oui, les cinq premières minutes sur la musique de Sidney Bechet sont enchanteresses et le beau Paris, celui de l'argent et du luxe superbement filmé, mais Owen Wilson, calque parfait du cinéaste,...

le 14 août 2011

62 j'aime

42

Minuit à Paris
Docteur_Jivago
7

♪♫ Et Paris qui bat la mesure ♪♫

C'est au cœur d'un Paris romantique que nous entraîne Woody Allen avec son quarante-deuxième film Minuit à Paris. Ambitieux, il nous fait suivre un jeune couple américain qui se rend dans la capitale...

le 27 août 2015

58 j'aime

33

Minuit à Paris
Grard-Rocher
8

Critique de Minuit à Paris par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Gil et Inez, sur le point de se passer la bague au doigt, arrivent des Etats-unis en compagnie des parents de la jeune fille pour un court séjour à Paris. Inez et ses parents fortunés, républicains...

49 j'aime

25

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

58 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20