Par le petit bout de la lorgnette de Monsieur Tati
Dans une société d’apparat où la Technologie n’est pas forcément synonyme de progrès au sens strict du terme, Monsieur Hulot, éternel lunaire, vit toujours sous les toits au plus près du ciel et traîne ses grands pieds dans des quartiers où chiens fous et gamins des rues se chargent de l’animation.
Pied de nez à un monde en pleine mutation, terrains vagues et jardins ouvriers y côtoient les bâtiments les plus « modernes » tout comme le vendeur de beignets côtoie les hommes modernes travaillant dans des univers aseptisés et voués au culte de l’objet inutile et voyant.
Aucun de ces deux mondes ne fait de concessions à l’autre, et aucun ne laisse de vraie place à cet étrange personnage qui ignore le progrès et déambule dans la vie comme on se promène simplement d’un sentier à un autre, nous réjouissant de ses clowneries.
A l’aise malgré sa maladresse, dont il fait fi, il prend sous son aile le petit Gérard, fils de sa sœur et enfant qui s’ennuie entre deux parents férus de technologie ménagère.
Papa travaille, suivant le troupeau et maman s’occupe d’une maison ultra équipée qu’elle compte bien utiliser comme signe extérieur de richesse.
Tati aurait-t-il eu la prescience de ce que certains progrès nous ont volé en chaleur et en valeurs non commercialisables, en liberté aussi ? Liberté de ne pas entrer dans le rang ou tout simplement de ne pas tomber dans le piège d’un progrès au final déshumanisant et aliénant.
En 31, Huxley écrivait « Le meilleur des mondes », en 56 Tati s’attaquait gentiment au même genre de monde, dépeint comme moderne et facilitant le quotidien d’une ménagère dont on ferait longtemps le portrait. Celle de moins de 50 ans, évidemment.
Mais moderne jusqu’à l’absurde est-ce encore moderne ?
Un joli pamphlet qui rappelle l’existence du « Vrai » cinéma, et un message appréciable en ces temps où la communication, bien que n’ayant jamais été aussi simple techniquement, est devenue un véritable parcours du combattant quotidien.