Nanayomachi
6.4
Nanayomachi

Film de Naomi Kawase (2008)

Eh Omar Sy ! Voilà ta tranche de vie !

Avant toute chose, je tiens à préciser que Nanayomachi est le premier film de Naomi Kawase que je vois, mais surement pas le dernier (Hanezu a été vu pendant l'écriture de cette critique).


Qu'est ce donc que Nanayomachi du coup ? Rien de bien long à expliquer, il est composé d'un scénario tenant sur deux lignes, voire trois avec de l'audace, et d'un storyboard tout aussi court, voire quasi inexistant vu les plans choisis par la réalisatrice (aucune critique dans cette phrase, mais on y reviendra plus tard). L'histoire est centrée sur une japonaise qui arrive à Bangkok et qui, suite à de nombreuses péripéties (enfin du calme, ça reste un film de Naomi Kawase!), termine au fin fond de la jungle au sein d'une famille thaïlandaise, qui accueillait déjà au préalable un français. Tiens donc, un vrai melting-pot me direz-vous ! Mais celui-ci n'est pas fruit d'un échange important de culture, puisqu'il rencontre des difficultés à communiquer, car mise à part leur langue respective, aucun des protagonistes ne dépasse le stade du baragouinage dans les autres langues présentes et l'anglais. S'installe alors des formes de communications plus universelles passant par les gestes (un câlin, un sourire, une gifle etc..) et par les réactions. Au final, le film ne parle que de la vie des ces personnages qui vivent ensemble, des moments de joie, de tristesse, d'ennui, de repli, de confession, etc..


Les personnages ne sont pas des personnages originaux, ils sont tout sauf irréels, ils sont ces gens de la vie de tout les jours que l'on croise, qui ont leur passé et leurs émotions. Saiko (Kyoko Hasegawa) est une japonaise ayant quitté son pays, son mari, comme si elle cherchait un nouveau départ, la menant souvent à de nombreux regrets. La famille thaïlandaise est composé d'un homme, maussade mais qui profite des plaisirs de la vie; d'une femme semblant regretter un temps passé et qui se contente de vivre de la manière la paisible possible; et d'un enfant, encore innocent qui cherche à connaître son père qui l'a abandonné. Et enfin, du français Greg (Grégoire Colin) qui lui regrette son passé mais qui cherche un nouveau départ ici en Thaïlande. Ainsi, chaque personnage est "hanté" par un passé, mais chacun essaye d'être heureux car lorsque leur passé remonte, ils ne peuvent en parler car ils ne sont pas compris. De plus, le film a la chance d'avoir la plupart de ses acteurs qui sont excellents. Je dis la plupart car l'acteur français vient gâcher tout cela en étant bien plus que mauvais.


Une autre des grandes qualités de ce film est la représentation de la vie thaïlandaise. Je soupçonne Naomi Kawase d'avoir mis sa caméra sur l'épaule et lâché ses acteurs dans la nature ou les villes, lors des scènes dans les rues, ou les marchés et cela sans prévenir les commerçants. Nous nous frottons alors à une découverte absolue de la culture thaïlandaise, et immersion totale dans la vie des habitants. Les plans sont minimalistes, bougent et ne montrent parfois rien mais l'immersion est si forte que cela n'est pas gênant la plupart du temps. Cependant (et ici vient s'inclure peut être ma seule critique du film, mise à part Grégoire Colin... 'fin bref), Naomi un plan qui bouge lorsque tu filmes un personnage d'accord .. Mais tu peux aussi poser ta caméra sur un trépied quand il s'agit d'un plan d'ensemble d'un temple ou d'un couché de soleil, on ne pourra que plus apprécier les paysages.


Je féliciterai aussi Naomi Kawase pour la soundtrack du film qui est ... inexistante ! Non non, il n'y aucune ironie dans cette phrase ! Là où certains excellent avec des OST de qualité, Naomi Kawase a choisi de représenter le bruit ambiant de la vie .. Oui, elle choisit de représenter ce vide qui subitement va être brisé par le gazouillis d'un oiseau mais qui va revenir aussi vite. Ainsi, on se croit nous aussi dans cette jungle. C'est pour cela qu'il faut éviter les bruits de cafetière, de vaisselle, de discussions futiles autour de soi lorsque l'on regarde ce film.


Après cette série de tentative d'expression de mon ressenti au cours de cette critique, il est normal alors de ce demander pourquoi seulement 7/10.. Et bien car objectivement ce film est bon mais il a des défauts, des longueurs peuvent à un moment se ressentir, un Grégoire Colin affreusement mauvais, des plans qui méritaient un trépied etc.. Mais c'est tout de même un grand moment de cinéma qui nous apporte mélancolie pour le personnage et une petite vague grisonnante dans notre âme de rêveur.


Je dois surement aussi expliquer le titre de ma critique. Comme vous l'aurez compris, Nanayomachi est juste du réalisme pur et dur .. Et moi qui déteste dire ça, il est un film humain, il n'y a ni narration, ni intrigue qui avance selon un plan initial.. Ainsi, je pense que le prochain qui me dit que Intouchables représente fortement la vie, je le bâillonne et lui fait voir Nanayomachi. Autant avec Hanezu, Kawase exprime le côté mystique de son univers, ici, c'est l'humain et la nature qui prime. C'est donc avec beaucoup de plaisir que je vais continuer mon exploration de l'univers de Naomi Kawase et attendre Still The Water qui a l'air d'être son apogée en mélangeant à la fois le mysticisme et l'humanité qui font la force du cinéma de Naomi Kawase.

MrYerp
8
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le 7 sept. 2014

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Yerp Ono

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