Pendant longtemps, ce film a représenté pour moi le Carpenter le moins abouti, le moins inquiétant et le moins surprenant. J’ai beau chercher aujourd'hui, je ne sais pas ce qui me mettait dans ces dispositions négatives vis à vis d’un film en définitive plutôt bien écrit, à la texture post-apocalyptique certes pas véritablement crédible, mais du moins dont l’esthétique reste savoureuse.


Le suspense est une nouvelle fois formidablement impulsé par la musique de John Carpenter. Pourtant très simple, avec sa mécanique et son style homogènes, électrique, elle est plus une scansion qui maintient une tension en permanence, un battement de cœur métallique et non une mélodie qui raconte grand chose. L’émotion traduite ainsi n’est que la peur, primale, instinctive et rappelle le compte à rebours que Snake (Kurt Russell) a aussi bien dans la tête qu’au poignet.


Parlons-en de ce personnage. Là encore, on découvre un protagoniste ce qu’il y a de plus classique, à la morale hyper simple, à la psychologie succincte dira-t-on, dont les attributs virils et rock’n roll sont autant de stéréotypes de l’anti-héros américain comme aime à les représenter Carpenter, cool, solitaire dans sa rébellion perpétuelle. Or, paradoxalement, cela fonctionne ! Je ne sais par quel miracle, mais Kurt Russell réussit à lui donner une réalité, une véritable incarnation, quelque densité dont il est bien difficile à comprendre l’origine tant le comédien marche à l'économie d’effets. C’est peut-être ça d’ailleurs : la sobriété, la justesse alors que tout autour de lui des créatures plus ou moins fantasques soumettent le public à leurs extravagances? Difficile aussi d’imaginer ce héros capable d’exprimer quoique ce soit en début de film, tellement il semble enfermé dans son mutisme.


Mais John Carpenter est un sacré foutu cinéaste qui crée des atmosphères avec finalement peu de moyens. Pas d’assistance numérique alors. Un savant dosage d’ombres et de lumières, un gros travail sur les décors, les costumes et sa fameuse touche musicale, et nous voilà avec un vrai film angoissant, sombre, alors qu’avec beaucoup de réalisateurs, l’histoire aurait vite tourné nanar.


Il faut dire que Carpenter se paye quelques noms au générique, notamment une superbe distribution.
Lee Van Cleef vieillissant mais avec toutes ses dents est encore le félin au regard inquiétant qui fait tout son charme.
Donald Pleasance n’a en fin de compte qu’un petit rôle, mais j’aime beaucoup ce comédien. Harry Dean Stanton n’a pas un rôle bien compliqué à jouer. Néanmoins, il l’endosse avec suffisamment de talent pour parvenir à le rendre sympathique très rapidement. Il est assez épatant cet acteur en général; ici, cela le confirme.
Adrienne Barbeau n’a qu’un petit rôle également mais il marque.


Seul Isaac Hayes me paraît un brin en dessous des autres. Son méchant n’impressionne guère, trop éteint et plat. Seule faute de goût à déplorer.


New-York 1997 constitue un petit grand film à siroter de préférence le soir, histoire de bien apprécier le travail formel sur les ombres, les traits de couleurs, aussi pour se laisser envelopper par cette musique carpentienne typique et finalement lâcher prise devant le suspense tout en frissons et tensions.


Captures et trombi

Alligator
8
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le 21 août 2016

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Alligator

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