En 1988, la criminalité aux Etats-Unis est telle que le gouvernement décide d'adopter les grands moyens en transformant l'île de Manhattan en gigantesque prison où les détenus livrés à eux-même doivent s'adapter et survivre à la société qu'ils ont eux-même créée. En 1997, Air Force One s'écrase en plein coeur de l'île ne laissant qu'un survivant, le président. Ce dernier est tenu captif par l'homme le plus influent et redouté de l'île qui voit en son otage l'occasion de monnayer sa libération et celle de tous les autres prisonniers. Ne pouvant envoyer les forces spéciales de crainte que le président soit exécuté, Hawk, le directeur de l'administration pénitentiaire, passe avec le renégat Snake Plissken (dont le nom semble être connu de tous) un marché de dupes. S'il va sur l'île et ramène le président et plus important encore, sa mallette, Plissken se verra absous de tous ces crimes. Pour s'assurer la pleine coopération de ce dernier Hawk lui fait injecter des capsules qui imploseront dans son organisme et le tueront dans vingt heures sauf si elles sont désamorcées. Pour cela Plissken doit s'acquitter de sa mission. Il se lance alors seul dans les rues dévastées de New York.

Dés l'arrivée de notre anti-héros entre les barrières de l'ancienne métropole, l'impression de solitude absolue du personnage est pesante, chaque pièce, chaque couloir traversé de la tour, puis plus tard chaque rue semble être désertée de toute vie. Jusqu'à ce qu'une silhouette inquiétante traverse fugacement l'arrière-plan pour nous avertir que oui, l'endroit est bel et bien peuplé, mais ces gens-là vivent à couvert, dans la crainte et la haine. Plissken semble ne pas avoir remarqué la présence tapie autour de lui. Ou peut-être s'en fiche-t-il. Il n'a pas assez de temps pour se laisser freiner par la peur, après tout. Il lui faut marcher et chercher son seul moyen de survivre. Dans son périple, il découvre une micro-société de bagnards vivant en autarcie constitué de plusieurs gangs plus ou moins terrifiants car s'éloignant à des degrés divers de la civilisation pour se rapprocher de l'homme tribal. Chaque quartier au noms évocateurs se trouvent être désormais le fief d'un gang et un territoire dangereux à franchir. Dans les bâtiments autrefois pleins de vie s'organisent désormais des spectacles décadents, des viols collectifs et des combats de gladiateurs. Ici, une troupe de comédiens se bouscule sur une scène de théâtre sur une musique sordide, amusant les rares spectateurs venus se réfugier là le temps du spectacle avant d'affronter à nouveau la jungle urbaine. Parmi eux, un vieux chauffeur de taxi, absorbé par la représentation et vibrant au rythme du tintamarre, remarque un nouveau venu dans l'endroit qui ne porte aucune attention au spectacle mais semble plutôt chercher quelque-chose ou quelqu'un. L'homme s'apprête à descendre à l'étage inférieur dans les bas-fonds où même le taxi n'oserait s'aventurer. Il lui faut à peine plus de quelques secondes avant de reconnaître l'étranger.

Carpenter pose les bases dès son introduction via une voix off monocorde (en v.o. la voix de Jamie Lee Curtis), dresse rapidement le profil criminel et sociopathe de son anti-héros, le confronte à une vieille gloire du western (Lee Van Cleef) qui le piège sournoisement et l'oblige à accomplir sa mission. Les enjeux pour le protagoniste (sa survie) et la situation globale étant dès lors évidents, Carpenter n'a plus qu'à suivre son protagoniste et lui faire découvrir à lui comme aux spectateurs une société anarchique, livrée à elle-même où le pacte social n'a plus lieu d'être et où chaque habitant libérés de toute loi et morale n'a plus qu'à lutter pour survivre au jour comme à la nuit. Pour accompagner ses images, baignant dans un somptueux bleu crépusculaire, le réalisateur compose une bande originale synthétique tantôt minimaliste tantôt mélancolique et appuie son ouverture et sa conclusion (et avant le combat aussi) d'un thème principal qui résonne toujours dans les mémoires de cinéphile, une mélodie synthétique basée sur une simple ligne de basse à laquelle s'ajoute par couches successives, beat contemporain et riff de clavier lancinant. Cheap mais mémorable, le morceau de Big John obsède toujours à son écoute malgré le temps écoulé.

En suggérant via un background critique (le pays est à la limite de l'état de guerre) que la vie n'est pas rose non plus hors des murs de Manhattan, Carpenter filme ses personnages comme il filmerait des fantômes. La plupart se terrent dans leur cachette où traversent fugitivement l'arrière-plan, quand d'autres conduisent des taxis au milieu d'épaves de voitures et de rues désertées. Certains ne sortent que la nuit et émergent des égouts, cannibales noctambules, fauchant les jeunes femmes et les emportant sous terre, hors cadre, mieux vaut ne pas imaginer... Un peu plus loin, ce sont des têtes plantées sur des piques qui délimitent un territoire et apportent la preuve de la régression tribale des occupants du lieu. Quant à l'homme fort de l'île et à ses sbires, ils s'habillent à la mode des époques défuntes, parent leurs voitures de lanternes et ressuscitent les jeux du cirque. Et ce n'est pas un luxe si au milieu de ce foutoir, Plissken décide de faire une pause et de s'asseoir sur une chaise au beau milieu de ruines pour faire le point et se reposer un peu, en attendant que les ennuis viennent simplement le trouver.
Plissken, que tout le monde croit mort, semble indifférent à tout ce qu'il voit. Tout ce qu'il lui importe est sa propre survie, il n'a pas le temps pour s'occuper du reste, les gens tuent et violent autour de lui, peu importe, Snake n'a rien d'un héros. Kurt Russel est l'incarnation parfaite de ce personnage solitaire, charismatique et taciturne, resté dans les mémoires de plus d'un cinéphile aux côtés d'un Max Rockatansky. Quand au reste du casting, si l'on peut entrevoir quelques fautes de jeu, il ne démérite pas. Que ce soit Lee Van Cleef ou Ernest Borgnine en passant par Adrienne Barbeau, tous jouent avec justesse leurs personnages des deux cotés de la barrière.

Reste alors cette conclusion froide et nihiliste, Plissken y devient l'alter-ego fictif de Carpenter et envoie tout le monde se faire foutre en moins de temps qu'il n'en faut pour déchirer une bande magnétique sur un air jazzy. Si vous voulez rester aveugle au sort des autres, ne priez plus pour qu'ils daignent vous aider. Les enjeux semblent énormes, le monde ira peut-être droit dans le mur, mais ce ne sera que mérité. Plissken lui, aura tout le temps de vivre sa légende.

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le 20 mai 2014

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Buddy_Noone

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