Fils de Costa-Gavras dont il a hérité un certain attrait pour les œuvres polémiques, Romain Gavras passe enfin au long métrage, après son compère Kim Chapiron, lui aussi issu du foutraque et inventif collectif Kourtrajmé. Sorti il y a un an, le film est complètement passé sous les radars et à côté de son public. Je découvre aujourd'hui que j'aurais pu en faire partie mais s'il est évident qu'un marketing réussi participe au succès d'un film, l'inverse n'en est pas moins vrai. J'impute le bide à la mauvaise campagne et surtout à la bande-annonce, pas mauvaise en soi mais fortement trompeuse.

Le film était vendu comme une œuvre âpre et violente, portant sa radicalité en étendard, ne faisant aucun effort pour plaire à qui que ce soit, dans l'unique but d'être différent et de choquer le bourgeois. Le genre de truc qui marche le temps d'un clip pour Justice mais qui peut rebuter sur une durée plus longue, n'étant pas Gaspar Noé qui veut. Quelle surprise donc en découvrant que le film... est à mourir de rire ! Encore faut-il apprécier l'humour noir et borderline, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde, évidemment et il y aura autant de gens qui seront outrés ou ne rentreront jamais dans le jeu que pour C'est arrivé près de chez vous, dont l'esprit provoc/potache est proche. Voyez plutôt cet extrait beaucoup plus révélateur du ton général du film que la bande-annonce : http://www.youtube.com/watch?v=X0mFL2JQjYM

Le film est (j'allais dire évidemment) porté à bout de bras par Vincent Cassel, la figure de proue incontournable du jeune cinéma français engagé. Après s'être fait connaitre dans les années 90 dans le cinéma de la première génération des « énervés » (Kassovitz, Kounen, Boukhrief...) qui démontrait une certaine ambition formelle alors rare en France (hormis Jeunet ou Besson, quoiqu'on en pense maintenant), il a continué à soutenir ce cinéma moins mainstream, allant jusqu'à coproduire quand le besoin s'en faisait sentir, comme pour Irréversible ou Sheitan, de Chapiron. Il avait également participé à Kourtrajmé, formant le même tandem qu'ici avec Olivier Barthélémy dans le court devenu culte La Barbichette, à revoir ici : http://www.youtube.com/watch?v=DrsnzMeiTuk

Son jeu ravira ses fans et apportera plus d'eau qu'il n'en faut au moulin de ses détracteurs, quelque part entre le jeu outré et provocateur d'un Poelvoorde et Depardieu et Dewaere, période Valseuses. On a plus souvent comparé à Dewaere, sûrement parce qu'il n'avait pas eu le temps de se compromettre dans autant de nanars que notre Gégé national (lui ayant choisi une manière radicale de ne pas se compromettre) mais il est la parfaite synthèse des deux. Son duo avec Barthélémy nous y ramène irrémédiablement : ces deux « loubards » qui n'en ont rien à foutre de rien et qui s'en prennent à tout le monde. On peut toujours se gausser après coup de la France de Pompidou qui était choquée par le film de Blier mais elle n'a pas tellement changé si elle est choquée par ça: Notre jour viendra donne un excellent aperçu aujourd'hui de l'effet que pouvait faire les Valseuses en 73.

Sous prétexte qu'ils n'ont « ni langue, ni pays, ni armée », nos deux antihéros s'autorisent à persécuter n'importe qui, y compris les autres minorités visibles (arabes, juifs, punks à chiens...) dont la souffrance aurait été plus reconnue que la leur. Si Gavras avait voulu démontrer l'absurdité du combat de Dieudonné, il n'aurait pas mieux réussi. Il y a donc un pseudo-message derrière ce road-movie décalé dont la forme est maîtrisée sans être ostentatoire : nul doute que pour Gavras Junior et Chapiron, leur jour viendra.
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le 9 oct. 2011

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