On m’en avait pourtant dit grand bien de toutes parts, mais ce premier volume m’a déçu. Dès les premiers instants j'ai été interpellé par une simplicité criante et exacerbée à tous les niveaux, dont je n'ai jamais vu l'issue, et encore moins l'intérêt.


Deux questions me sont donc venues à l'esprit: suis-je passé complètement à côté de ce qui s'avère être en réalité du très grand cinéma ? Ou alors, ce film est-il réellement d'une simplicité si grossière que son intérêt n'en est que très limité ? J'ai choisi de pencher pour la deuxième, ce qui n'exclut en rien la première.


Le scénario est celui d'un vieil homme seul (Seligman) qui recueille chez lui une femme blessée (Joe) et se pose en sorte de psychanalyste bas de gamme, utilisé en guise de faire-valoir à la progression de l’histoire principale (l'auto-diagnostic de Joe) afin d'éviter un récit linéaire.


D'emblée les dialogues entre les deux personnages sonnent creux, ils sont animés par une incompréhension mutuelle (et c'est bien la seule chose qui les anime) et n'apportent rien au film, tant et si bien que chaque avancée dans l'histoire se fait de manière extrêmement poussive.
Ainsi l'on nous sert une comparaison entre la pêche et le sexe, entre la musique et les amants, l'histoire d'une fourchette terriblement symbolique, et autant d’anecdotes, de détails épars mis en évidence sans la moindre subtilité (un livre sur une chaise, une cassette, Seligman qui apporte un gâteau avec une fourchette, un tableau à moitié ombragé dont on ne distingue que l'inscription "Mme H") qui rappellent tous à Joe l’intégralité de sa vie. Alors bien sûr on ne peut attendre d'un film qu'il soit d'un réalisme à tout épreuve, mais un peu de finesse ne serait pas de trop.


S’agissant de l’intrigue en elle-même, le plus décevant réside dans la relation avec Jérome (point d'orgue du récit de Joe), volontairement dépeinte de manière très primaire, mais qui frôle souvent le ridicule. C'est notamment le cas lors de la scène où Jérome désire se garer: la place est large, mais il la refuse car il la trouve trop petite, Joe insiste, il refuse encore, accepte de lui céder le volant et elle y arrive du premier coup (faisant ainsi écho à l'une des premières scènes du film où elle répare sa mobylette en tournant un bouton alors qu'il y a passé des heures). Et la superposition des schémas mathématiques à l’image ne permet pas de masquer la pauvreté de la scène.


La suite c'est donc une psychanalyse à deux francs sur la situation de Joe: "Tu étais entourée de plein d'hommes mais en réalité tu te sentais seule ?" - "Oui". Freud n'a plus qu'à aller se rhabiller. Pour autant ce film est de temps en temps emprunt d'une certaine esthétique très plaisante (lors des promenades) et de scènes intéressantes, à l'instar de celle où Joe se confronte à la mort de son père. Mais encore une fois celle-ci est gâchée par les dialogues. A-t-il peur de mourir ? Non, parce que "Quand nous sommes, la mort n'est pas là. Quand nous sommes morts, nous ne sommes plus là", sacré leçon de vie. C'est donc une nouvelle fois le retour des clichés (omniprésents, rarement au second degré), ici épicuriens, qui vient tout ruiner.


En dépit de tout cela, la fin laisse entrevoir un peu d'espoir pour le deuxième volume, qui je l'espère, répondra à un peu plus à mes attentes - pas si élevées pourtant - car celui-ci n'est malgré tout pas foncièrement mauvais. En effet ces arguments sont un peu légers pour le qualifier de vrai mauvais film, mais ils demeurent largement suffisants pour souligner une grande déception.

Sieur_JD
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le 10 déc. 2014

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Sieur_JD

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