Il faudrait pouvoir attribuer deux notes à un film : la réalisation et la qualité visuelle d'une part, la qualité scénaristique et de rythme d'autre part. Je fais une moyenne des deux pour la note que j'attribue à Phenomena.


Tout d'abord en terme de réalisation : ayant adoré Suspiria, j'ai retrouvé un Argento plutôt en forme, l'utilisation d'une Jennifer Connelly, icône virginale, presque fantasmagorique lors des scènes de somnambulisme notamment, la mise en scène, l'usage de la musique des Goblins et d'Iron Maiden donnent à Phenomena une puissance visuelle et auditive indiscutables : à ce titre, la scène d'attaque de l'école par une nuée de mouches répondant à l'appel de Jennifer est sûrement l'une des plus réussies du film. L'atmosphère très spéciale, la langueur angoissante propre à Argento, tout y est bien que la mise en scène soit bien plus sobre que dans Suspiria. De ce côté-là, je mettrais un bon 8 à Phenomena, parfaitement maîtrisé au niveau du son et de l'image. Un petit bijou.


Pourquoi cette note, alors ?


Phenomena comporte des incohérences de scénario et des fautes de rythme qui le plombent réellement. C'est d'autant plus dommage qu'il avait tout pour être une petite perle : on sait qu'Argento ne favorise pas nécessairement une histoire complexe, l'utilisant davantage comme levier pour pouvoir mettre en place son esthétique filmique, je n'ai personnellement rien à y redire. Mais pas lorsque l'histoire ne tient pas debout. Des étudiantes qui vont promener dehors en pleine nuit en sachant qu'un tueur de jeunes filles sévit dans le coin, un internat qui se vante de ne pas laisser sortir ses pensionnaires mais laisse toutes ses portes ouvertes sans la moindre surveillance, une directrice d'école qui se permet de faire interner une de ses élèves sans en référer aux parents, une héroïne qui déambule dans le repaire de l'assassin sans montrer le moindre signe d'inquiétude...Les ficelles sont si grosses que je leur ai trouvé des similitudes avec celles des slasher au rabais. Et entre chaque scène "forte", c'est le calme plat. Presque ennuyeuses ces scènes de transition font avancer l'histoire sans dynamisme (ou avec les incohérences dont je parlais plus haut), on a presque la sensation qu'Argento les a réalisées de mauvaise grâce. L'intrigue, déjà alourdie par les problèmes de cohérence perd de sa substance, si bien que j'ai constaté, au moment de la révélation finale que l'identité du tueur ne m'intéressait qu'assez peu. Pas terrible sachant que l'histoire et son dénouement sont basés là-dessus. Seul aspect intéressant : la relation entre Jennifer et Mc Gregor, touchante et très intense (magnifique Donald Pleasance !) vient relever le niveau.


Les vingt dernières minutes sont un condensé de tout ce qui fait "Phenomena" : des plans magnifiques (Jennifer sous l'eau, avançant sous terre...) mais un rythme par à-coups qui empêche un réel crescendo, notamment lors de la révélation de l'identité du tueur, pourtant surprenante mais très mal amenée et entraînant des longueurs (tueur "increvable", à nouveau comme dans les pires slasher). Pourquoi tant de bonnes idées sont-elles mises bout à bout avec un enchaînement aussi chaotique ?


Phenomena est un belle pièce de cinéma, à voir, à écouter aussi, pour profiter de l'ambiance si spéciale que sait créer Dario Argento dans ses œuvres.Le scénario comporte beaucoup de bonnes idées (les références bibliques, le pouvoir de Jennifer...) et des personnages intéressants mais, truffé d'incohérences, bouffi de "twist" mal enchaînés et de chutes de rythme, il se tire une balle dans le pied et désamorce considérablement les effets dramatiques. Faire du cinéma stylé et visuellement poétique permet quelques latitudes en matière de scénario mais n'excuse pas tout.


Addendum : Phenomena a inspiré - du propre aveu de son créateur - le jeu vidéo "Clock Tower", un excellent survival, qui parvient à être moins incohérent en terme d'histoire, en optant pour quelque chose de plus simple mais plus maîtrisé. A vouloir trop en faire...

SubaruKondo
5
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le 31 janv. 2014

Critique lue 671 fois

8 j'aime

SubaruKondo

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