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Maïwenn Le Besco nous propose ici une plongée dans le quotidien à la fois professionnel et personnel de policiers de la Brigade de protection des mineurs. Un sujet délicat, qui aurait pu vite sombrer dans le manichéisme. La diversité des personnages et des situations permet cependant à la cinéaste d'éviter le piège d'une vision simpliste, voire démagogique. Par le rire, elle échappe aussi à l'écueil du sordide et du pathos. L'humour est certes parfois en décalage avec des situations particulièrement dérangeantes. Je pense, par exemple, à cette scène où une adolescente avoue avoir accepté de faire une fellation à plusieurs garçons pour récupérer son téléphone mobile. Si les rires des policiers qui l'interrogent peuvent sembler obscènes, ils permettent également de dédramatiser l'instant. De plus, ils sont pour moi d'un total réalisme. Dans des métiers au quotidien éprouvant, on exorcise en effet souvent l'intolérable ainsi. Ce n'est peut-être pas très fin, mais cela permet de tenir.
Cette impression de vérité est l'autre point fort du film de Maïwenn. Elle tient d'abord à l'incroyable implication des acteurs, tous formidables. Comme dans L'Apollonide, le magnifique film de Bertrand Bonello, ils forment un ensemble cohérent et parfaitement crédible, duquel il est difficile de faire ressortir une personnalité. Je citerai tout de même la prestation de Joey Starr. Si je continue de ne pas tenir en haute estime l'homme (et c'est un euphémisme), son jeu à fleur de peau est ici bluffant. Et inattendu. La vérité se dégage aussi du style nerveux de la réalisatrice, qui, contrairement à ce que prétendent certains critiques (Le Monde, Cahiers du cinéma), ne fait pas du sitcom.
Si Polisse ne cède pas à la tentation du pathétique, il n'en contient pas moins quelques scènes très poignantes. La plus marquante étant celle du petit garçon africain arraché à sa maman SDF. Son désespoir résonne longtemps dans le cœur du spectateur. A moins d'être insensible...
Ce film n'est bien sûr pas parfait. La seconde partie s'étire en longueur. Les situations sont un peu répétitives. Maïwenn aurait certainement gagné à resserrer son propos. Le rôle qu'elle s'attribue n'est pas non plus d'une grande utilité. Certains personnages sont en outre un peu caricaturaux, tel ce père accusé d'inceste, dont l'attitude provocante face aux enquêteurs me paraît peu crédible. Malgré tout, Polisse est une œuvre forte, qui prend aux tripes. Et tant pis si elle agace les cérébraux ou les spectateurs avides de sensations plus troubles ! En tous cas, le cinéma français nous a offert en cette fin d'année trois très belles surprises, dont deux signées par des femmes (La guerre est déclarée). Seraient-elles l'avenir du Septième art hexagonal ?