Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

«Ce n'est pas un biopic sur Eric Tabarly»

«On le sait ! Il est complètement con le cornu !», vous exclamerez-vous. A raison, sans doute. Toutefois, sache, cher lecteur, que si j'ai entamé ce texte par cette platitude, cette affirmation d'une effroyable évidence, une lapalissade presque, aux yeux d'une (je l'espère très sincèrement) écrasante majorité, c'est que j'ai déjà eu à apporter cette clarification en évoquant le film d'Hayao Miyazaki. True story.


Mononoke Hime, c’est avant tout l’histoire d’une rencontre. Ashitaka et son bovidé, croisant la route de San et ses canidés. Lui, jeune homme courageux se retrouvant frappé d’une malédiction après avoir abattu un sanglier possédé, afin de sauver des villageois. Elle, jeune fille élevée dans la nature sauvage, le genre de demoiselle prête à verser le sang – pourvu qu'il soit celui des Hommes – et à des années-lumière de porter des loup-bouquetin. Mon père c’est pareil : il lui est déjà arrivé de rembarrer valeureusement un démarcheur à domicile – c'est un ouf je vous dis - pis dans la vie il a souvent été amené à porter des chaussures de sécurité. Et je peux vous assurer que les points communs entre le Miyazaki et Gothic Senior sont loin de s’arrêter là.


Mais revenons à l'oeuvre. Tour à tour onirique, poétique, politique, religieuse, et profondément écologique, Ghibli oblige, Princesse Mononoké joue beaucoup sur le symbolisme, alors qu'entités maléfiques et humains s’affrontent dans un véritable bain de sang. Démons et vermeil. Quête de pouvoir, vengeance, les enjeux ne manquent pas. La fougue de la jeunesse côtoie la sagesse de l’âge, alors qu’une divinité, toute-puissante qu’elle soit, n’en demeure pas moins malmenée. Le bien contre le mal, une vieille rengaine, seulement les deux camps ne sont pas si clairement identifiés cette fois. Le tout est habilement assemblé et conté. Mononoke Hime est doté d'une qualité d'animation exceptionnelle. La fluidité est constante, le mouvement est limpide, le contraste entre horreur et émerveillement n'en est que plus fort. D'autant plus que l'oeuvre demeure splendide de bout en bout visuellement parlant, et plus encore lorsqu'on la redécouvre en Haute Définition. Dans un si bel écrin, le grand Hayao – qui a retouché à la main un nombre incalculable de planches de son bébé - en profite d'ailleurs pour dépeindre la nature violente de l'Homme. En présence des humains, la nature dépérit, l'arbre dévie de l'arbre de vie...ce qui m'amène de nouveau à vous parler de mon paternel. Lui aussi aime le beau. Steven Seagal, Jeff Speakman, Billy Blanks, Jet Li, Jackie Chan, Don The Dragon Wilson, Jean-Claude Van Damme, Chuck Norris, Jason Statham. Qu'importe l'auteur, tant que la mandale est belle. De la torgnole grandiose, du visage tuméfié avec amour, et pétri à la main.


Me voilà donc, m'extasiant à mon tour, gesticulant devant tel ou tel détail émanant du film d'Hayao, tel mon père, convulsionnant comme il se doit devant un film d'arts martiaux à chaque coup porté. Pour ne rien gâcher au spectacle offert par le maître, la partition de Joe Hisaishi est stratosphérique. Epique à souhait, elle épouse parfaitement les formes et les images défilant devant nos mirettes émerveillées. Tiens, cela me ramène à mon père, mélomane à ses heures: pour preuve, ces nombreux dimanches matin lors desquels, ado, j'étais réveillé par le son de Manolo Escobar ou du grand Julio, par celui qui, avec la complicité de son épouse, exploitait chaque watt de sa magnifique chaîne hi-fi afin d'être sûr de voir ses progénitures attablées en temps et heure après une soirée endiablée en boite et la nuit courte qui s'ensuivait. Mais Princesse Mononoké, c'est également un véritable Men Vs Wild  dans lequel la femme tient une place de choix: Eboshi la Conquérante et sa troupe contre San l'Amère et sa meute, Ashitaka se posant en acteur comme en simple arbitre. L'histoire d'un amour impossible aussi. De nombreuses valeurs et notions donc, partagées par mon père, comme, au hasard  :



  • le respect: «non mais il pourrait ramasser les merdes de son clébard ce con de voisin !»

  • l'écologie: «pour ta tondeuse prends une thermique, fiston. En plus une électrique tu vas galérer avec le fil»

  • la tolérance: «si jamais il tape la voiture avec son ballon, je vais lui souffler dans les bronches à ce gamin  !»

  • la religion: «t'iras à l'église toute seule, j'en ai marre de passer mon temps à me lever et m'asseoir pendant que l'autre casse une graine et boit son pinard»


Sur le papier, tout était réuni dans Princesse Mononoké pour plaire à mon géniteur et pourtant, déformation professionnelle, ce dernier préférera toujours le houblon au loup blanc, le foret à la forêt... lui qui tant d'années durant, aura dispensé autant de sagesse, partagé tant de valeurs, de justesse et d'intelligence. Un an déjà que je ne l'ai vu, pourtant il reste une image. Celle de ce pauvre hère de père, errant devant ce qui pour lui constitue une véritable aire de jeu: une dvdthèque. Ma dvdthèque. Et tandis qu'il pioche une galette avec son air le plus sérieux, le plus innocemment du monde, m'interpelle: «c'est quoi, Princesse Monocoque

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le 14 juin 2016

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Gothic

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