Annoncé au départ comme un prequel d'Alien qui a changé un peu de direction, Prometheus réussit l'exploit d'être un blockbuster divertissant et étrangement spirituel (au sens religieux du terme, c'pas vraiment drôle-drôle, comme film). Alien racontait comment un monstre extra-terrestre décimait gratuitement un équipage. Une agression extérieure. Prometheus raconte un peu l'inverse, et fait le récit de la façon dont l'Hybris de l'espèce humaine est la source se sa propre perte. Effectivement, on change de registre. Comme souvent pour ce genre de film, le nom du vaisseau porte assez peu subtilement le programme du film. Dans l'Antiquité, le titan Prométhée avait eu la présomption de voler aux Dieux le secret du feu, source de la vie, et avait été puni . Ce qui est en jeu dans Prometheus, c'est justement cette tension entre croire et savoir, entre la foi et la science - une des raisons d'être de la science fiction, en somme.
A la fin de notre siècle (décidément, on s'approche de plus en plus de la timeline futuriste développée par les films de sci-fi des années 80), des archéologues découvrent dans des ruines antiques des traces d'une carte du ciel indiquant un truc mystico-divin, reprenant un vieux marronnier selon lequel l'origine de l'humanité est extra-terrestre (pensez "Stargate" ou Sciences & Vie Junior spécial "Egyptiens et Mayas"). Cette découverte conduit à une expédition vouée à trouver l'origine de l'humanité et à, littéralement, rencontrer Dieu (rien que ça) ; la perte de cet équipage vient précisément de son avidité à savoir ce qui aurait dû rester de l'ordre de l'inconnu. Alors qu'en général dans ce genre de space opera, on quitte la terre parce que celle-ci a été attaquée, ou parce qu'elle a été détruite ou parce qu'elle est devenue invivable (voire souvent les trois en même temps), ici il n'en est rien. L'expédition du Prometheus ne quitte pas la terre par nécessité mais par soif de connaissance, péché parmi les péchés quand on touche à la religion et à la création. Et ce schéma est au cœur du film, tant les péripéties et drames gluants et hémoglobineux qui touchent l'équipage ne sont causés par personne d'autres qu'eux-mêmes.
On pourra trouver ce film maladroit, tortueux, confus, bavard, décevant car aux antipodes de ce qui a été construit dans Alien (le film le plus flippant du monde grâce à son épure ; ici, on quitte l'horreur pour la fable verbeuse, via Damon Lindelof) ; on pourra accessoirement reprocher à Scott d'avoir désexualisé en un même film Michael Fassbender et Guy Pearce (mais il compense avec Idris Elba), mais la grandiloquence du projet le rend curieusement fascinant et assez ballsy, surtout venant d'un cinéaste vieillissant et dont le cinéma est obsédé par l'exploration de terres inconnues, pour le pire comme pour le meilleur. On pourrait lister un à un les défauts du film et ses boursouflures, mais in fine, il y a quelque chose de touchant dans cette proposition et dans ce sous-texte religieux un peu gauche.
Finalement, c'est pratiquement la partie "Alien" qui est la plus inutile ici (même si elle relève plus du clin d'œil qu'autre chose) : c'est-à-dire qu'entre un film dont la raison d'être est d'explorer l'origine et la perte de l'Humanité et un film dont la raison d'être est de savoir ce qu'il y a avant Ellen Ripley, le choix est vite fait...