oct 2012:

J'avais bien pris soin de ne pas trop en lire, de rester à peu près vierge sur ce film. Je voulais ne pas savoir à quel objet Ridley Scott destinait son Prometheus. Je savais bien que Scott nous livrait un préquel mais cela était suffisant. Et sans doute que cet état d'esprit et de connaissance immaculés m'a permis d'apprécier le film avec plus de force?

J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre un film qui avait de cette texture que les suites d'Alien avaient laissé plus ou moins de côté, quelque chose de physiquement froid, de reptilien, une teinte plutôt sombre. Le premier Alien de Scott était totalement noir, celui-là l'est également sauf qu'il y insère de nombreuses nuances grisâtres.

Quoiqu'il en soit, il n'en demeure pas moins que l'on est immergé dans un monde très froid, hostilité que l'on retrouve dans tous les épisodes de la franchise. Et que Ridley Scott réinvestisse cet univers sans âme, ce monde de frontières indépassables entre les espèces, et qu'il le fasse de manière aussi efficace sur le plan formel se révèle une réussite remarquable, bien que sans réelle surprise. C'est un peu comme si Ridley Scott avait voulu remettre sa patte sur sa création, remettre les compteurs à zéro, recadrer tout le monde en produisant un film à la fois horrifique (la scène de césarienne est pour le moins insoutenable) et d'une légèreté narrative (j'entends par là qu'il parvient à raconter son histoire avec une facilité déconcertante sans jamais se perdre dans des explications sur tel ou tel point).

Le film garde en ce qui me concerne une grand part de mystère que peut-être le director's cut viendra dévoiler. Mais je crois qu'il n'est pas nécessaire non plus de venir chercher dans ce film de grandes explications sur les films précédents : cela n'a pas grande importance.

Bien plus intéressante est la question métaphysique qui est en jeu, celle de l'origine de l'homme, de sa "création". Si la question est terriblement "américaine" ou religieuse, la réponse est assenée avec une violente ironie. Là, pour le coup, le mordant et la morgue de Scott se font méchamment sentir. De ce constat, j'ai l'impression qu'il ressort que le film développe une réflexion très intelligente, à la philosophie beaucoup plus sophistiquée que le simple rejet de la naïveté et du mysticisme rabougri des hommes. Je ne saurais préciser en détails le fond de ma pensée à ce sujet ; il me faudrait revoir le film plusieurs fois sans doute, mais il est certain qu'il ne fait pas uniquement renvoyer dos à dos les créatures et leur créateur. Il y aurait bien un regard psychanalytique par la bande à proposer, proche de l'injonction de tuer le père, que ça ne m'étonnerait pas... à fouiller donc.

Au delà de toutes ces élucubrations, c'est sûrement je le répète la parfaite narration, aussi bien que le travail sur le plan visuel qui retiennent avant tout mon attention. En effet, je passe sur le scénario impeccablement balancé et le rythme délicat mais tout aussi implacable. Par contre, il faut insister sur la beauté visuelle et le plaisir que nous procurent la photographie de Dariusz Wolski et les effets spéciaux forts réussis. On n'est plus dans le huis clos systématique du premier Alien, cependant, les couleurs et les lumières enferment tout aussi bien les personnages.

Peut-être ceux-ci sont-ils un peu moins attachants? Peut-être leurs sorts ne nous préoccupent-ils pas autant que celui de Ripley par exemple?
Néanmoins, ils parviennent à nous faire oublier celles et ceux qui les ont précédés à s'intégrer dans un récit qui, lui, devient en quelque sorte pour ma part le personnage central de ce préquel.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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