Martial, Fernand, Max et les (ferrailleurs) autres...

Martial, fils de bonne famille, n’a plus toute sa tête, selon son entourage et passe quelque temps en psychiatrie. En sortant, il part inspecter quelques supermarchés de l’entreprise familiale, ils feraient moins de chiffre. Il tombe sur M. Fonfrin, directeur du magasin de Limoges et flagorneur professionnel qui s’amuse à détourner l’argent de son magasin. Ce monsieur a une bonne, Francine, dont le charme opère instantanément sur Martial qui laisse tomber sa tournée d’inspection pour passer quelques jours avec elle.

Sautet abandonne cette fois Paris et ses bobos pour s’intéresser ici aux bobos de province, clônes amusants de leurs confrères de la capitale. Car si Quelques Jours Avec Toi est une superbe histoire d’amour, c’est aussi une chronique acide de la vie provinciale. Cette province qui regarde toujours d’un œil mauvais cette ville dont elle est en fait jaloux, mais dont elle n’hésite pas à reproduire les codes pour accéder à la pseudo-culture des gens aisés. Le côté tranchant de ce film est renforcé par des dialogues parfois assassins qui sortent de la bouche de Martial, sur qui toutes ces convenances pèsent comme une chape de plomb.

Pour le plus grand bonheur de tous, Martial va mettre un grand coup de pied dans ces codes sociaux bourgeois qui empêchent de communiquer et interdisent toute spontanéité des rencontres. Alternant les scènes pleines d’un bel humour et de légèreté avec celles plus tendues, pour finir sur une tragédie, Sautet dresse un portrait juste et sincère de personnages tous affublés d’un fardeau. Là est d’ailleurs sont grand talent, avoir réussi un nivellement des classes sociales, rendant tout aussi minables l’escroc en col blanc que celui en bandana.

Mais l’amour guette toujours chez lui, ici Sandrine Bonnaire lumineuse rend fou d’amour un Daniel Auteuil qui se cherche et se sent étranger à son monde. Tous deux se tournent autour sans vraiment savoir quoi attendre de l’autre et se compliquent l’amour avec un vrai masochisme. Les deux acteurs sont au sommet au milieu d’une distribution haut de gamme : Castaldi, Blanc, Lindon, Marielle, Lavanant, Darrieux. Daniel Auteuil rappelle, car il nous le fait oublier ces derniers temps, qu’il a été un temps le meilleur acteur français. Un regard, l’esquisse d’un geste ou un souffle nous font comprendre tout de désarroi du personnage. Sandrine Bonnaire qui n’est pas réputée comme une « bombe » est ici un fantasme sur talon et livre un personnage plein de folie et de beauté intérieure.

Probablement pas le plus grand film de Sautet, certaines longueurs viennent plomber le début, mais probablement le plus sensible et sans cesse sur le fil. Les personnages sont beaux et la métamorphose radicale de certaines personnalités transforme toute cette clique éclectique en une bande de copains pour la vie. C’est vrai qu’il y a cette fin difficile, mais qui reste tout de même ouverte sur une minuscule lueur d’espoir qui permettrait à ceux qui le veulent d’enfin s’aimer en paix.
Jambalaya
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le 25 oct. 2013

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